Afin de ne pas allonger l’article précédent sur L’enchantillon des bons cousins charbonniers, nous avons gardé pour celui-ci le récit de Jacques Antoine DULAURE (1755-1835).
Cet écrivain acquit une certaine renommée à la fin du XVIIIe siècle avec ses ouvrages archéologiques et sur Paris, son histoire et ses monuments. Et quand éclata la Révolution, il se lança dans la politique, du côté des Jacobins puis, faisant preuve de modération, du côté des Girondins. Il fut accusé d’être un conspirateur et décrété d’accusation.
Pour échapper à la guillotine, il décida de quitter la France et gagna la Suisse au prix de mille périls à la fin du mois de décembre 1793.
C’est en partie grâce à la complicité d’un Bon Cousin Charbonnier qu’il parvint jusqu’aux environs d’Arbois, dans le Jura, et qu’il présenta son « échantillon ». Ce simple petit bâton était censé être un sésame.
Laissons DULAURE nous raconter l’épisode dans ses Mémoires (p. 328-329)
« Ce n’était pas tout d’arriver à la frontière, il fallait la traverser sans dangers. Fenoux (du Jura), l’un de mes collègues (…) m’indiqua des moyens qu’il assurait être immanquables ; il me conseilla de passer à Arbois, ville du Jura, de loger chez un hôte de sa connaissance, dont il m’indiqua le nom ; puis me donna l’adresse d’un curé qui était son parent, et qui demeurait dans les montagnes à quatre lieues d’Arbois.
Je devais prendre un guide dans cette ville pour me conduire dans ce village, appelé Le Pasquier, et, étant arrivé là, je pouvais me regarder comme hors de danger.
Fenoux me donna pour ce curé une lettre de style maçonnique, qu’employaient dans ce pays les membres d’une espèce d’association, appelés les Cousins Charbonniers.
Voici à peu près la teneur de cet écrit : (…) « Mes bons Cousins, je vous adresse le Guépier (c’est le nom de ceux qui ne sont pas initiés), porteur de la présente, qui est digne de participer à nos mystères ; donnez-lui pinte et pain et menez-le à la prochaine vente ; il vous remettra le signe bien précieux de notre reconnaissance. Je suis votre bon Cousin Charbonnier de la Forêt de la Chaux».
Le signe précieux dont il est parlé dans cette lettre était un morceau de bois taillé d’une certaine manière, propre à faire reconnaître les Cousins Charbonniers ; on le nommait l’échantillon. »
Cet extrait est issu des Mémoires de DULAURE, publiés avec ceux de LOUVET de COUVRAY, autre proscrit révolutionnaire, à Paris, en 1862 (en ligne via Google livres).
Article rédigé par Laurent Bastard, merci