On sait combien le gaz appelé grisou, qui s’accumule dans les galeries de mines non ventilées, est inflammable et dangereux. Jadis, pour prévenir de graves explosions, les mineurs n’avaient d’autre moyen que de désigner l’un des leurs qui, muni d’un long bâton ou perche enflammée, mettait le feu à la poche de gaz en formation. Il était encapuchonné pour se protéger de l’incendie, et c’est ce costume singulier qui le faisait nommer un « pénitent », comme ceux des processions religieuses. Malgré les toiles humides dont il était recouvert, il risquait souvent d’être brûlé ou violemment projeté contre les parois si l’explosion était trop forte.
On trouvera des textes saisissants sur cette fonction sacrificielle en consultant le site www.forez-info.com / encyclopedie / le penitent.
Nous en extrayons ce passage de Jules Verne, dans les Indes noires (1877) : » – En effet, monsieur James, vous êtes trop jeune, malgré vos cinquante-cinq ans, pour avoir vu cela. Mais moi, avec dix ans de plus que vous, j’ai vu fonctionner le dernier pénitent de la houillère. On l’appelait ainsi parce qu’il portait une grande robe de moine. Son nom vrai était le « fireman », l’homme du feu. A cette époque, on n’avait d’autre moyen de détruire le mauvais gaz qu’en le décomposant par de petites explosions, avant que sa légèreté ‘leût amassé en trop grandes quantités dans les hauteurs des galeries. C’est pourquoi le pénitent, la face masquée, la tête encapuchonnée dans son épaisse cagoule, tout le corps étroitement serré dans sa robe de bure, allait en rampant sur le sol.
Il respirait dans les basses couches, dont l’air était pur, et, de sa main droite, il promenait, en l’élevant au-dessus de sa tête, une torche enflammée. Lorsque le grisou se trouvait répandu dans lair de manière à former un mélange détonant, l’explosion se produisait sans être funeste, et, en renouvelant souvent cette opération, on parvenait à prévenir les catastrophes. Quelquefois, le pénitent, frappé dun coup de grisou, mourait à la peine. Un autre le remplaçait. »
La gravure illustrant cet article est extraite des Cahiers Ciba n° 88, sur « Le vêtement de travail », p. 5. Il s’agit d’une gravure sur bois de Charles Barban, d’après une eau-forte de Paul Férat.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci