L’extraordinaire violoniste Niccolo PAGANINI (1782-1840) maîtrisait tellement son art qu’il était capable de faire vibrer les cordes de son violon avec une canne de jonc à la place d’un archet ! C’est du moins ce qui est rapporté dans une Notice sur Paganini publiée en 1830 par Imbert de Laplalègue, et dont l’anecdote ci-dessous est rapportée par le journal « Le Défenseur de la Monarchie et de la Charte, journal politique, littéraire et commercial », dans son n° 88 du dimanche 7 février 1830, p. 3-4 (en ligne via Google livres).
« En 1817, tandis que Paganini était à Vérone, le chef d’orchestre du grand théâtre de cette ville, Valdabrini, violoniste fort habile, s’avisa de dire que Paganini n’était qu’un charlatan, qu’à la vérité il excellait dans quelques morceaux de son répertoire à lui mais qu’il y avait tel concerto de sa composition qu’il serait incapable d’exécuter. Paganini apprend ce propos et se hâte de faire dire à Valdabrini qu’il essaiera volontiers de reproduire les inspirations du chef d’orchestre de Vérone : cette épreuve, qui était un puissant attrait offert au public, il voulut la réserver pour son dernier concert. Le jour de la répétition est fixé. Paganini ne manque pas d’y venir, mais moins pour se préparer que pour se conformer à l’usage établi ; la musique qu’il y exécute n’est pas celle qu’il se propose de faire entendre ; selon son habitude il improvise sur les mouvements de l’orchestre, et jette en forme de remplissage une multitude de passages délicieux que son imagination enfante avec une spontanéité incroyable. (…)
Qu’on se figure le désappointement de Valdabrini en entendant tout autre chose que sa musique ; aussi, la semaine terminée, s’approchant de Paganini : « Mon ami, lui dit-il, ce n’est pas mon concerto que vous venez d’exécuter, je n’ai absolument rien retrouvé de ce que j’avais écrit. – Ne vous inquiétez pas, mon cher, lui répond Paganini, au concert vous reconnaîtrez parfaitement votre œuvre ; seulement alors je vous demande un peu d’indulgence. »
Le lendemain, le concert eut lieu ; Paganini commence par jouer plusieurs morceaux de son choix , réservant celui de Valdabrini pour terminer la soirée. Tout le monde s’attendait à quelque chose d’extraordinaire ; les uns croyaient qu’il allait changer les moyens et les effets d’orchestre, d’autres qu’il reproduirait les motifs de la musique de Valdabrini, en y faisant à sa manière les additions les plus brillantes : personne n’était dans le secret. Paganini paraît enfin ; il tient une canne de jonc : chacun se demande ce qu’il veut en faire ; tout-à-coup il saisit son violon, et se servant de la canne comme d’un archet, il joue d’un bout à l’autre le concerto que son auteur ne croyait exécutable qu’après de longues études ; non seulement il rend les passages les plus difficiles, mais encore il y introduit des variations charmantes, sans cesser de déployer un seul instant cette pureté, cette grâce, cette intensité et cette verve qui caractérisent son talent. »
C’est une nouvelle preuve qu’une canne ou un bâton, pour peu qu’on sache bien s’en servir, fait des miracles dans tous les domaines !
Article rédigé par Laurent Bastard, merci