Dans ses « Impressions de voyage en Russie » (Paris, Michel Lévy, 1865, p. 30-31), Alexandre Dumas a décrit les singuliers personnages qui entouraient le comte Kouchelef. Parmi eux, il y avait le docteur Koudriavtzef, qui avait confectionné une canne originale…
« Le docteur Koudriavtzef, quoique loin d’être coquet, ne quitte pas deux choses qui semblent être devenues les appendices de sa personne, et cela quelque temps qu’il fasse :
La première est un plaid que la comtesse lui a donné, et qu’il roule pittoresquement autour de son torse.
La seconde est une canne qu’il s’est faite avec un flacon du comte, et de laquelle il fouette cavalièrement l’air.
Comment fait-on une canne avec un flacon ? demanderez-vous, lecteurs.
Je vais vous expliquer cela, et vous verrez que ce qui semble très compliqué au premier abord, est on ne peut plus simple en exécution.
Le comte, très nerveux, a toujours sur lui un flacon d’éther.
Un jour, il avait cassé son flacon.
Koudriavtzef le ramassa, comme s’il eût ramassé un blessé, pour le rappeler à la vie, s’il était possible.
Le blessé était mort.
Alors, Koudriavtzef comprit que d’un vieux flacon, on pouvait faire une canne neuve.
Il tira du verre la partie supérieure qui était en or et qui s’ouvrait, d’un côté à l’aide d’un ressort, et de l’autre à l’aide d’une charnière ; il acheta un jonc de la grosseur du goulot du flacon ; il introduisit le jonc dans la partie inférieure du goulot, et il s’en fit une pomme de canne niellée, guillochée, émaillée.
Cette pomme est d’une suprême coquetterie : elle s’ouvre comme s’ouvrait le flacon. Le docteur y introduisit un tampon d’ouate parfumée, et il a tout à la fois une canne dont il se sert coquettement, et une cassolette qu’il respire avec délices. »
Ceci n’est pas sans rappeler la canne à parfum exposée au musée de Grasse (voir l’article).
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci