Cet article aurait pu aussi figurer dans la rubrique des bâtons symboles d’autorité, mais là son usage n’est pas que symbolique. C’est dans la « Description du Cap de Bonne Espérance, où l’on trouve tout ce qui concerne l’histoire naturelle du pays, la religion, les moeurs et les usages des Hottentots », d’après les Mémoires de Pierre KOLBE (1742), qu’il est fait mention de ce bâton à usage de domestication des boeufs récalcitrants. Il rappelle, en plus efficace, l’anneau qui est passé dans la cloison nasale des taureaux de nos régions.
Ce texte est issu des ressources de Google.livres. L’extrait figure en pages 358-359.
« Les Hottentots ont beaucoup de bêtes de somme ; animaux extrêmement forts et courageux, et qui sont choisis sur les troupeaux lorsqu’ils ont une couple d’années, par des vieillards qui se connaissent en bétail. Dès qu’ils ont trouvé quelque boeuf à cet usage, ils le prennent et le couchent sur le dos, et après lui avoir lié la tête et les pieds, ils lui percent avec un couteau affilé la lèvre supérieure entre les narines. Dans cette incision, ils enfilent un bâton d’un pouce et demi d’épaisseur, d’un pied et demi de longueur, et qui a un croc au bout supérieur, pour empêcher qu’il ne passe au travers de la plaie. Par le moyen de ce bâton crochu, ils le tiennent dans l’obéissance et lui font faire ce qu’ils veulent.
Si cependant il refusait de se laisser gouverner et de porter sa charge (ce qui arrive quelquefois), ils montent dessus, après avoir cloué en terre le nez de l’animal avec ce bâton fourchu, et le laissent dans cette cruelle attitude jusqu’à ce qu’il soit devenu plus souple. La torture où est un boeuf ainsi attaché est si grande, qu’il ne tarde pas à tâcher de se retirer de cette gêne ; ainsi il devient traitable, et est en état de profiter des leçons qu’on veut lui donner. Si par hasard, oubliant la douleur qu’il a ressenti, il redevenait mutin, la vue seule du bâton crochu suffit pour le ramener à son devoir.
Cet instrument est si terrible qu’il rend un boeuf de somme attentif à tous les ordres qu’il reçoit de son conducteur ; jamais ils n’oublient, après qu’ils y ont passé, l’usage douloureux qu’on en fait. J’ai mille fois eu occasion d’admirer la promptitude avec laquelle ces animaux ainsi disciplinés obéissent à la simple voix de leurs maîtres. Ils entendent aussi bien les commandements, et les exécutent aussi exactement que le chien le plus fidèle de l’Europe pourrait le faire.
Le bâton, le terrible bâton les rend diligents, dociles et attentifs au souverain degré. »
Ce texte est un peu obscur. On se demande en effet si ledit bâton est passé en permanence dans l’incision faite sur la lèvre de l’animal, ou s’il y est seulement enfilé lorsqu’il s’agit de s’en faire obéir, en lui clouant le museau au sol. Nous pensons que c’est cette dernière hypothèse qui semble la plus plausible, l’orifice ménagé sur la lèvre du boeuf se cicatrisant autour du bâton, qui doit être ensuite ôté, avant d’y être replacé en cas de refus d’obéissance.
La gravure illustrant cet article est issue de la revue « Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages » (1883) et se rapporte à un épisode du voyage d’E. Holub sur le Haut Zambèze, en Afrique australe, en 1875-1879. Elle n’est pas contemporaine des observations rapportées ci-dessus.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci