Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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ROSA SAUVE L’ANESSE BATTUE

Nous avons à plusieurs reprises évoqué les brutalités que les hommes commettent envers les animaux, qui les servent pourtant sans se plaindre. Voir les articles : L’éloquence persuasive de Martin bâton, L’éventail à bourrique et Violences sur les animaux par Hogart (1751) . Tout cela est d’actualité…

Aujourd’hui, voici des extraits d’une petite histoire signée D., publiée dans « La Semaine des enfants », n° 459, du 20 février 1864. L’histoire est traduite de l’anglais.

Rosa, une fillette de bonne famille, est appréciée de tous pour sa gentillesse. Elle en témoigne une fois encore lorsqu’elle assiste avec émoi à une scène de rue : un homme frappe une anesse épuisée avec son bâton.

« Il y avait quatre ans que la petite Rosa était avec sa bienfaitrice, à qui elle devenait de plus en plus chère, lorsqu’un matin, en récompense de sa docilité et de ses applications au travail, Mme Delval lui fit présent de dix francs pour acheter une poupée qu’elle avait vue à l’étalage d’un bimbelotier dans la ville voisine, et dont elle désirait ardemment la possession.

Enchantée de ce présent, Rosa sortit sous la conduite de la femme de chambre pour faire son emplette. (…)

Une foule de personnes rassemblées au milieu de la rue empêchait Rosa et sa conductrice de la traverser. Impatientée d’abord de ce retard, Rosa parut ensuite oublier son projet d’emplette pour écouter ce qu’on disait dans cette foule.

« Vous êtes un misérable, un barbare, disait une vieille femme à un vilain rustre qui paraissait être la principale cause de ce rassemblement ; un brave homme a pitié des animaux qui le servent, et vous devriez avoir honte de votre conduite ; nous le savons tous, cette pauvre bête porte pour vous tous les jours depuis six ans des fardeaux au-dessus de ses forces, et aujourd’hui, non content de la charger jusqu’à lui rompre l’échine, vous la battez au point qu’elle ne peut plus se remuer.

- Oui, oui, dit le villageois en ricanant, vous avez raison, la mère, il y a six ans que je l’ai ; je l’ai achetée à Jacques Lebrun et payée dix francs ; ainsi elle est à moi et j’ai le droit de la battre quand elle est têtue ; je vous en ferais autant à vous si vous m’apparteniez. »

Cette grossière plaisanterie fit rire la multitude, et l’homme recommença de battre la pauvre ânesse qui, accablée de fatigue, était étendue à terre, hors d’état de continuer sa route.

Le mouvement du bâton que ce rustre tenait à la main et la violence avec laquelle il frappait ce pauvre animal avaient un peu écarté la foule ; Rosa aperçut alors l’ânesse et oublia tout à fait sa poupée.

« Oh ! Annette, dit-elle les yeux humides de larmes, je ne croyais pas qu’il y eût dans le monde un homme aussi méchant ; voyez comme la pauvre bête souffre. Combien je voudrais que ma chère maman fût ici ! il n’oserait pas agir devant elle. (…)

Un des assistants dit alors au maître de l’ânesse :

« – Si vous ne la déchargez pas sur-le-champ, elle mourra, ses forces sont épuisées ; vous savez, Jean, qu’elle vous a rendu de bons services ; elle vous en rendra encore si vous la laissiez reposer et la traitiez bien pendant quelque temps.

- Je ne veux ni la nourrir ni la garder, dit le brutal ; elle ne vaut plus que le prix de sa peau et je la vendrai à quelqu’un pour une pièce de cinq francs.

- Oh ! Annette, s’écria Rosa, laissez-moi l’acheter, je ne crois pas que maman le trouve mauvais ; on pourra mettre la pauvre bête dans le verger ou dans la prairie.

- Si vous dépensez cinq francs pour l’ânesse, répondit Annette, vous ne pourrez plus acheter la poupée que vous désiriez si fort tout à l’heure.

- Oh ! je ne pense plus à la poupée, reprit Rosa, elle est très jolie, je le sais, ajouta –t-elle en jetant un regard de l’autre côté de la rue ; mais elle ne souffre pas, elle, comme la pauvre ânesse que ce malheureux va assommer si vous ne me permettez pas de l’acheter. »

Annette jugea bien que sa maîtresse ne pourrait être que satisfaite de ce trait de Rosa, et s’adressant au conducteur de l’animal :

« – Il y a ici, lui dit-elle, une jeune demoiselle qui vous offre les cinq francs que vous demandez ; déchargez l’ânesse, et nous prendrons quelqu’un pour l’emmener avec nous. »

Surpris d’une offre qu’il n’attendait pas et peut-être fâché de voir qu’on lui enlevait sa victime, Jean regarda Annette et Rosa avec attention et répondit :

« – Je vous remercie, madame, je plaisantais ; la bête est forte et n’a besoin que d’être un peu poussée pour faire sa besogne. Je ne la donnerais pas pour moins de dix francs qu’elle me coûte, et encore est-ce bon marché, car j’ai eu de la peine à l’élever ; et quoiqu’elle ne veuille pas marcher à présent, deux ou trois coups de mon bâton la rendront aussi leste qu’un lévrier. »

Tout en disant ces mots, il s’apprêtait à la frapper encore ; Rosa poussa un cri involontaire ; puis, avec la permission d’Annette, elle s’avança et mit les dix francs dans la main du maître de l’ânesse. Annette dit à cet homme :

« Voici les dix francs, déchargez cette pauvre bête ; vous avez à présent le double de ce que vous demandiez d’abord, et vous devez être satisfait. »

Le conducteur, qui regardait dix francs comme un prix exorbitant pour une ânesse hors de service, prit l’argent avec un sourire qui marquait son mépris pour la crédulité de ces personnes compatissantes. (…). »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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