Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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L’EVENTAIL A BOURRIQUE

Le 1er avril est traditionnellement le jour des farces et c’est l’occasion d’en rappeler une, qui se faisait chez les militaires à toute époque de l’année. Bien entendu, elle émanait des anciens et la victime en était un « bleu », nouvellement arrivé dans un monde où il lui faut bien obéir à ceux qui sont déjà en place.

Cette farce porte le nom d’ « éventail à bourrique ». Elle figure dans les « Farces à faire en société », aux éditions Albin Michel (1926), p. 85-86.
« On persuade à un bleu que, tourné et dégourdi comme il l’est, il n’a qu’à faire preuve d’un peu de complaisance à l’égard de la lectrice du commandant pour entrer dans les bonnes grâces de tout l’état-major du régiment, car elle est la belle-soeur de la colonelle et la nièce du général de division.

Elle a une ânesse qu’elle aime beaucoup et qui, depuis quelque temps, se trouve mal à chaque instant. Il n’y a qu’un remède pour soigner la pauvre bête : c’est l’éventail à bourrique, récemment inventé par le chirurgien en chef du corps d’armée. Malheureusement l’instrument est à l’hôpital, et, pour rien au monde, la jeune lectrice ne veut demander aucun service aux épaulettes blanches : question de tempérament.

Lui, le brave jeune homme, n’a pas de ces préjugés, et il trouve là une occasion inespérée de faire une gracieuseté à une jolie femme qui a le bras long.

On lui fait offrir la goutte pour la bonne nouvelle, et il part, fier comme un coq. Il sera joli l’accueil qu’il recevra des infirmiers !

Qu’est-ce qu’un éventail à bourrique ? Une trique. »

Ce type de farce repose sur l’ignorance d’un jeune homme qui entre dans un milieu au vocabulaire particulier, qui lui est étranger. Novice, il doit obéir pour gagner les faveurs des anciens. Comme l’objet n’existe pas, il le cherche en vain auprès de plusieurs personnes qui sont complices, jusqu’au moment où il se fait sermonner par l’une d’elles et doit rentrer penaud auprès de ceux qui l’ont fait courir. De telles farces étaient courantes dans l’armée auprès des bleus (on les envoyait chercher la clef du champ de tir, le parapluie de l’escouade, la trajectoire en aluminium…). Elles étaient également répandues dans le monde des métiers (la corde à reculer le four chez les boulangers, la pierre à affûter la navette chez les tisserands, la corde à virer le vent chez les meuniers, la râpe à épaissir chez les menuisiers, le trusquin à pédale chez les chaudronniers, ou encore, dans l’industrie, la table logarithmique à cinq barreaux, la pompe Moildard, etc.).

La gravure est extraite de la revue « La Semaine des enfants » du 17 décembre 1859. On voit l’éventail à bourrique en pleine action (pauvres ânes et méchants hommes…).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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