La Maison Mantin, à Moulins (Allier), renferme deux objets singuliers dont la fonction n’est pas bien connue. Après un échange d’informations avec Mme Maud LEYOUDEC, conservatrice du patrimoine, chargée des collections beaux-arts et arts décoratifs au musée Anne-de-Beaujeu & Maison Mantin, nous sollicitons les visiteurs de ce blog pour recueillir leur avis.
De quoi s’agit-il ? Les deux objets qui nous interpellent se présentent comme de longues tiges de fer forgé, autour desquelles s’enroulent soigneusement deux torsades, dont les spires vont en se réduisant d’une extrémité à une autre. Elles décroissent en partant d’une poignée qui rappelle dans les deux cas une pomme de canne à plusieurs pans.
Ces deux objets proviennent du legs de Louis MANTIN (1851-1905), qui fut avocat puis conseiller et secrétaire général de préfecture et qui était aussi un amateur d’art et d’histoire et un collectionneur cultivé. Léguée à la ville de Moulins, sa maison devait, selon son testament, être ouverte au public, un siècle après sa mort, ce qui fut fait en 2010. Elle renferme des objets d’art, d’archéologie, d’histoire naturelle et d’ethnologie, et certains sont insolites, comme les deux objets ici présentés.
Des éléments de tournebroches ? Ils ont été anciennement inventoriés comme des « éléments de tournebroches ». S’agirait-il de la tige qui transperçait les pièces de gibier, les volailles et autres quartiers de viande ? Mais comment les enfiler sur deux spires métalliques dont la forme empêcherait précisément leur rotation et leur avancée. Une spire de faible largeur, à la rigueur, le permettrait, mais pas deux. De plus, ces deux pièces sont très différentes, elles ne forment pas une paire, et l’une d’elles est peinte de couleurs vives (vert et rouge notamment).
Si tournebroche il y eut, ces deux objets seraient des éléments du mécanisme permettant de faire tourner les viandes à rôtir au-dessus du feu. Et il est vrai que les tournebroches, inventés au XVIe siècle, en comportaient de nombreux, telles que ressorts, roues, engrenages, poids, tiges… Un article bien documenté du site chateaumoulinfraise.hautetfort.com ne nous a pas permis de découvrir des pièces ressemblant à celles de la Maison Mantin. Mais la question reste posée.
Des cannes ? Nous nous souvenons avoir rencontré il y a quelques années un collectionneur de cannes venu nous en montrer une pour savoir s’il s’agissait d’une canne de compagnon du tour de France. Elle était entièrement en fer tors. Il est donc possible que les deux tournebroches de la Maison Mantin soient des cannes. Ce qui le laisserait penser, c’est d’abord leur longueur (environ 1 mètre pour chaque), ainsi que leurs pommeaux à pans, qui rappellent ceux (entre autres) de beaucoup de cannes de compagnons du tour de France. De là à imaginer qu’un compagnon forgeron, ou même un maréchal-ferrant, les ait fabriquées serait aller trop loin, mais on notera cependant que ce type de double torsade autour d’un axe constitue en soi un beau et difficile travail.
S’il s’agit bien de cannes, elles s’inscrivent dans la série de celles, en bois sculpté, qui sont ornées d’un ou deux serpents à la façon d’un caducée, de tiges de lierre ou de chèvrefeuille, ou encore des cannes de compagnons occupant la fonction de « rouleur », qui sont ornées de deux rubans colorés qui se croisent.
Des visiteurs du site ont-ils déjà vu de semblables objets. S’agit-il d’éléments de tournebroches ou de cannes torses en fer ? Merci de leurs futurs commentaires.
Les photos illustrant cet article sont de Blandine VALLEIX et ne peuvent être reproduites sans l’autorisation de la conservation des musées de Moulins.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Bonjour,
Sur son site, M.Segas (http://www.canesegas.com/) présente dans la rubrique « Cannes en matériaux insolites » une canne en fer forgé assez semblable à celle présentée dans cet article, hormis le pommeau. Il précise que d’autres exemplaires de ce type de cannes (à priori pour forer le sol) sont visibles au musée de la ferronerie « Le Secq des Tournelles », à Rouen…. Une piste ?….
Bien cordialement
Finalement, il doit bien s’agir d’éléments de tournebroches. Non pas de la broche elle-même, qui transperce la pièce de viande à cuire, mais d’une vis sans fin à filets torsadés.
Des détails sur les systèmes des tournebroches figurent dans le livre de Raymond LECOQ : Les objets de la vie domestique – ustensiles en fer de la cuisine et du foyer des origines au XIXe siècle ; Paris, Berger-Levrault, 1979, p. 118 à 147 (Cuisson directe à la flamme ou à la broche). Des dessins des différentes sortes de vis sans fin y figurent page 136.