Nous vous proposons un article rédigé par Monsieur Ian Geay, éditeur. Cet article a été découpé, pour les besoins de parution sur ce blog, en 5 parties.
Un grand merci pour cette contribution.
« Les ruades de Pégase
une histoire littéraire à bâtons rompus »
J’ai dis bien des fois que je n’étais pas un écrivain. J’appartiens de tout mon être, de toutes mes fibres,
à une vieille civilisation sacerdotale, paysanne et militaire qui n’a jamais pris cette sorte de gens trop au sérieux,
et sur laquelle, d’ailleurs, ils se sont cruellement vengés depuis.
Georges Bernanos, Nous sommes en guerre, 16 juillet 1947.
Il existe, oublié au fond de certaines bibliothèques, un curieux opuscule qui n’apparaît pas toujours dans la bibliographie de l’écrivain et historien Victor Fournel, bien qu’il éclaire d’un jour nouveau et tout à fait intéressant l’histoire littéraire des XVIIe et XVIIIe siècle en France. Il s’agit du Rôle des coups de bâton dans les relations sociales et en particulier dans l’histoire littéraire paru à Paris, en 1858.
L’auteur s’engage à travers cet important travail d’érudition à retracer l’histoire de la condition sociale des gens de lettres, de leur abaissement, et de leur émancipation progressive à l’aune du coup de gourdin en partant du prédicat que le progrès de la littérature et le progrès des littérateurs eux-mêmes seraient concomitants à l’élévation des intelligences et au respect croissant des choses de l’esprit se traduisant entre autres choses par le respect de leurs interprètes. Bref, Fournel se propose de montrer comment nous sommes passé d’une époque où l’on tombait à bras raccourcis sur ceux qui avaient la prétention d’écrire à celle où ces derniers se permettent à leur tour de jouer du bâton, vérifiant ce vieux principe martial selon lequel il faut toujours s’attendre à recevoir ce que l’on donne.
L’ouvrage ne remonte pas au-delà du XVIIe siècle, car c’est à cette époque qu’apparait, selon l’auteur; l’homme de lettres en France. Selon lui, Villon ou Gringore ne devaient pas être les derniers à donner et recevoir du bâton, mais il n’y a ni document ni biographie qui ne permettait à l’époque de l’attester. Aussi fait-il commencer son histoire par la chiffonnade dont est victime Alexandre Hardy, ce Shakespeare moins le génie, au début du siècle. Et l’auteur de préciser : « Il n’y a pas de volée de bois vert, mais la chose revient à peu près au même, et nous n’avons pas besoin de dire que cette étude, pour s’attacher spécialement aux coups de bâton, n’exclut néanmoins ni les soufflets, ni les coups de poing, ni les coups de pied, ni les autres gentillesses de même nature qu’on administrait guère aux écrivains que lorsque l’instrument ordinaire de ces corrections à l’amiable venait à faire défaut. »
Ce faux départ est l’occasion pour nous de rappeler un second principe selon lequel il est recommandé d’éviter, autant que possible, de frapper à main nue et de privilégier, pour rosser son prochain, bâtons, chaises et pelles, sauf si évidemment vous êtes maçon depuis dix générations, blanchisseuse flamande ou boulanger à l’ancienne, car, bâton qui casse, nul ne tracasse ! Les urgentistes ne surnomment pas la blessure du cinquième métacarpe « fracture du crétin » pour rien…
…à suivre
[...] littéraire, intitulé Les Ruades de Pégase et signé par Ian Geay sur l’excellent site du Centre de Recherches sur la Canne et le Bâton… (en 5 parties). Merci à eux d’héberger notre [...]