Charles Raymond GRANCHEZ, natif de Dunkerque, s’établit à Paris vers 1767. Il tenait « Au petit Dunkerque » un magasin de bijouterie, curiosités venant des quatre coins du monde, étoffes, « clincaillerie » (quincaillerie) et autres objets d’art et de luxe qui firent sa renommée. Il était établi au 3, quai de Conti, à l’angle de la rue Dauphine. Son enseigne (un trois-mâts en métal) fut conservée sur la façade de son établissement après sa vente en 1789, et déposée en 1913 pour intégrer les collections du musée Carnavalet (voir son site).
Granchez, qui fournissait la haute société et était bijoutier de la reine, faisait insérer dans les journaux littéraires des annonces détaillées qui nous renseignent sur les articles qu’il vendait. Parmi ceux-ci se trouvaient des cannes. Une recherche sur Google.livres nous a permis d’en retrouver quelques-unes. Les voici.
Dans « L’Avantcoureur » de 1771 (p. 217), on lit parmi les « Nouveautés anglaises » : « Le Sr GRANCHEZ, tenant le grand magasin curieux au petit Dunkerque (…) (est) toujours occupé à s’assortir de tout ce qui paraît le plus nouveau.(…) On trouve chez lui des cannes renfermant un fouet de cabriolet. »
Puis, p. 262, nouvelle annonce : « Cannes pour la promenade avec ustensiles de jardin » (les cannes sont-elles munies desdits ustensiles ou l’annonce signifie-t-elle que Granchez proposait les unes et les autres, sans qu’il faille établir de lien entre les deux articles ?).
En 1773, dans le même hebdomadaire, « Le sieur Granchez, marchand, au petit Dunkerque, quai de Conti, vis-à-vis le Pont-Neuf, vient de recevoir plusieurs nouveautés, savoir : (…) Cannes en bois de Perpignan, recouvertes en cuir imitant la peau du jet, montées avec des pommes de métal de Manheim. »
Le « jet », c’est le rotin ou jonc de Malacca, mais de quel métal allemand s’agissait-il ? Quant au « bois de Perpignan, il s’agit du bois de micocoulier. Le terme n’était pas très ancien puisque La Bretonnerie, dans sa « Correspondance rurale », tome III, 1783, écrit p. 94, que « Le bois de frêne est fort employé par les charrons des villes, en brancards de voitures et en bâtons de chaises à porteur, à quoi il est fort propre par son élasticité, ainsi qu’à faire des rames pour les bateaux, des cannes et des fouets de cocher, à quoi nos marchands ont donné depuis quelque temps le nom de bois de Perpignan, pour les faire valoir davantage, et s’en procurer plus de débit sous un nom inconnu. » Procédé qui fonctionne toujours en matière commerciale…
En octobre 1775, dans le « Mercure de France », p. 200, Granchez annonce des « pommes de cannes en or, et pierre de Cayenne ». Là encore, qu’était cette pierre au nom qui faisait voyager et excitait l’imagination ? Il s’agissait de petits galets de quartz ou de calcédoine, appelés aussi cailloux du Rhin, diamants de Médoc, diamants d’Alençon. Granchez annonce aussi « plusieurs ouvrages, nouvellement rentrés des Indes, dont une partie de très beaux jets. »
En juillet 1776, dans le Mercure de France, p. 203, le marchand fait savoir que parmi ses nouveautés, il y a des « Cannes pour femme en bois de Perpignan, couvertes en soie et or, à pomme de nacre garnie d’or. Idem, en plume teinte de diverses couleurs. Très beaux jets montés à pomme d’or, à boules émaillées, à filets torses, ciselées en or de couleur et autres guillochées. »
Granchez est entré dans la littérature sous la plume de l’écrivain Fanny DESCHAMPS (1920-2000), dans son roman « Louison ou l’heure exquise » (Albin Michel, 1987), p. 375 : « Sa nouvelle canne de bambou, enrichie d’une pomme d’or guillochée, attira tout de suite le regard de Louison : – Granchez ? – Oui, elle vient du quai de Conti, lâcha Beaumarchais d’un ton fat – on ne trouvait nulle part ailleurs de si belles cannes aussi chères. »
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci