Les relations entre hommes politiques de bords opposés ne sont pas toujours tendres, mais aux Etats-Unis, à la veille de la guerre de Sécession (1861), les tensions étaient telles entre esclavagistes et anti-esclavagistes, que certains recouraient à la violence ! Ce qui ne faisait qu’envenimer les relations entre les deux camps. L’épisode qui suit, au cours duquel un sénateur de Caroline du sud agressa à coups de canne son homologue de l’Etat de New-York, mérite d’être rapporté car il attisa les passions à la veille de la guerre de Sécession et eut de graves conséquences.
Il est rapporté par CUCHEVAL-CLARIGNY, dans une étude intitulée « L’abolitionnisme et l’élection du président des Etats-Unis » paru dans la Revue des Deux mondes en 1856 (t. VI, p. 672).
« L’attentat commis sur le sénateur Sumner a eu une influence considérable sur les esprits, parce qu’il a froissé violemment toutes les susceptibilités du nord ; chaque démêlé en ravivera désormais le souvenir, et il demeurera un de ces reproches sanglants que les partis ne manquent jamais de se jeter à la face.
M. Sumner, sénateur pour le Massachusetts, et M. Seward, sénateur pour New-York, connus tous deux pour appartenir aux « free-soilers » (membres du Free Soil Party, Parti du Sol Libre, anti-esclavagiste), ont soutenu dans le sénat tout le poids des discussions relatives au Kansas. Dans un discours mémorable, M. Sumner avait fait l’historique de la question, et il avait qualifié avec sévérité, quoique en termes parlementaires, la conduite de M. Atchinson, du Missouri, et de M. Butler, de la Caroline du sud.
Peu de jours après, comme M. Sumner était demeuré à sa place, après la levée de la séance, pour écrire quelques lettres, un des députés de la Caroline du sud, M. Brooks, s’approcha de lui par derrière, en lui demandant pourquoi il s’était permis d’insulter M. Butler, son parent. M. Sumner se retourna, et, avant qu’il pût répondre, M. Brooks lui asséna sur la tête un coup de canne qui le renversa sans mouvement. M. Brooks continuait à frapper son adversaire à terre, lorsqu’il fut arrêté et entraîné par les personnes présentes.
Cet acte inqualifiable causa une émotion indescriptible. Les deux chambres nommèrent une commission d’enquête, et l’explosion de la désapprobation publique fut tellement vive, que M. Brooks se vit obligé de donner sa démission. Néanmoins les journaux de la Caroline du sud furent loin de partager l’indignation générale ; ils déclarèrent que tous les abolitionnistes méritaient d’être traités comme l’avait été M. Sumner, et ils invitèrent les électeurs à réélire M. Brooks. (…)
Il fut nommé à l’unanimité : bien plus, une souscription fut ouverte dans l’état pour lui offrir une canne d’honneur et sur la pomme de cette canne, le comité fit graver les mots : « Frappe-le encore (hit him again). »
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci