Le scientifique et écrivain Ferdinand OSSENDOWSKI, russe d’origine polonaise (1876-1945) a donné le récit de ses missions géologiques en Asie orientale, dans son livre « L’homme et le mystère en Asie » (publié en français chez Plon en 1925).
Dans la troisième partie (« L’île maudite »), il évoque les conditions épouvantables auxquelles étaient soumis les forçats déportés sur l’île de Sakhaline. Ceux qui se rebellaient, refusaient d’obéir ou qui tentaient de s’enfuir, étaient châtiés à coups de baguettes. Voici le détail du cruel châtiment, exécuté par un bourreau choisi parmi les forçats :
« Le condamné recevait entre cinquante et trois cents coups de baguettes de saule qu’on avait fait bouillir au préalable dans l’eau de mer. Le quinzième coup devait en général couper la peau et faire jaillir le sang. Si le sang n’apparaissait pas, le fonctionnaire assistant à l’exécution accusait le bourreau d’indulgence et le condamnait à être fouetté lui-même. Les bâtons lacéraient la peau et la chair du dos et des pieds de la victime couchée sur un banc. Quand le malheureux perdait connaissance, on l’emmenait à l’hôpital où on laissait ses plaies se cicatriser un peu ; et s’il n’avait pas reçu le nombre de coups auquel il était condamné, le châtiment était continué dans une seconde séance pendant laquelle souvent la mort survenait.
La cruauté avec laquelle on persécutait les prisonniers dépassait tout ce que l’imagination la plus morbide peut concevoir. Tout ceci se passait loin des autorités centrales à qui n’arrivaient que de vagues rumeurs qui ne retenaient pas leur attention.
Ce fut seulement quand le philanthrope bien connu, le docteur russe Haase, eut visité le bagne de Sakhaline, à Onor, et fait ensuite des conférences publiques, ainsi que des articles dans les journaux, qu’on institua une réforme » (…)
Mais les badines d’osier continuèrent à siffler dans l’air et lacérer les chairs des habitants de l’île maudite, les hommes sans droits. Enfin, quand l’écrivain russe Dorochevitch visita les Katorgas et écrivit son livre sur Sakhaline, on commença à s’intéresser à la vie et à la destinée de ces misérables insulaires : on ordonna quelques légères modifications dans le nombre des coups de fouet et on institua une échelle de punitions moins sévères. Ce système resta en vigueur jusqu’à la guerre russo-japonaise en 1905. (…)
Quand les bolcheviks prirent possession du pouvoir, ils appelèrent ces individus, demi-hommes, demi-bêtes sauvages, pour exécuter leurs sentences. Ils les mirent à la tête des tribunaux révolutionnaires, des commissions d’enquêtes politiques, et de la toute-puissante Tchéka. Ainsi ceux dont les corps avaient été déchirés par les baguettes salées saisirent avec avidité l’occasion de se venger des représentants du gouvernement du tsar et de la société. »
Sur un châtiment analogue voir l’article : En Russie, la mort par le knout.
La gravure illustrant cet article représente un fugitif arrêté par des cavaliers russes. Elle est extraite du magazine « Le Musée des familles » de décembre 1872, dans un des épisodes des « Aventures du comte de Montleu », p. 368.
Article rédigé par Laurent Bastard, Merci
[...] On rapprochera cette pratique de celle décrite par Ferdinand OSSENDOWSKI dans « L’homme et le mystère en Asie », qui évoque des baguettes d’osier trempées dans de l’eau salée pour châtier les évadés des prisons de Sakhaline (voir l’article : Le châtiment des baguettes d’osier à Sakhaline). [...]