Comme au XIXe siècle le nombre de personnes qui portaient une canne et un bâton était élevé, il ne faut pas s’étonner de lire dans les journaux, à la rubrique des faits divers, de nombreux épisodes où interviennent nos deux instruments.
Ainsi, rien qu’en feuilletant l’hebdomadaire intitulé « Journal de la semaine », pour les années 1860-1861, relève-t-on les petites histoires suivantes.
Le 19 juillet, on apprend ainsi que : « Une femme au cerveau dérangé a été saisie aussi du plus étrange caprice. Cette insensée s’est introduite dans le parc de la Tête-d’Or, à Lyon, et là, armée d’un bâton, elle est descendue dans le lac et s’est mise à la poursuite des oiseaux aquatiques. Elle a assommé les deux cygnes noirs et un nombre si considérable d’oiseaux de diverses espèces, que le dégât est estimé à onze cents francs. Lorsque le jour éclaira le champ de carnage, la pauvre folle, qui, par un hasard providentiel, ne s’était point noyée, fut arrêtée et conduite à l’hospice. »
Le 15 novembre, on apprend qu’un différend avait éclaté entre un sieur D…, propriétaire, et un nommé K…, son fermier, et que la justice avait donné raison au premier. Le fermier avait proféré des menaces contre son propriétaire et ce dernier vivait depuis dans l’angoisse d’être assassiné par lui. En fait, le fermier avait repris ses activités normalement, une fois la colère passée, et rassura par écrit celui qu’il terrorisait sans le vouloir. « Malgré ces assurances, rapporte le journal, M. D… n’en resta pas moins tourmenté par l’idée que K… serait cause de sa mort. Ce pressentiment devait lui être fatal. Hier, vers midi, M. D… se rendait à la station du chemin de fer pour se rendre à Paris, lorsqu’à peu de distance de la gare, il rencontra le fermier. Dès qu’il l’aperçut, il tira sa canne à épée. Aussitôt K…, croyant qu’il allait avoir à répondre à un acte d’agression de M. D…, qu’il considérait comme fou, ramassa un caillou et le lui lança. Le projectile vint frapper M. D… à la tête et lui fractura le crâne. M. D… tomba, des passants se hâtèrent de le relever et de le conduire chez lui, où un médecin lui a prodigué des soins. Malheureusement son état est si grave qu’on désespère de le sauver. » Le fermier expliqua aux policiers qu’effrayé par l’épée sortie de la canne, il avait voulu se défendre. Il a été laissé en liberté.
Le 3 janvier 1861, l’hebdomadaire rapporte enfin les exploits d’un voleur expert en gymnastique. Un bijoutier avait laissé entrouverte la fenêtre de sa chambre. A deux heures du matin, il sent un vent frais qui le réveille et voit un homme en train d’enjamber l’appui de sa fenêtre. Il crie et met en fuite le voleur. « Le larron était porteur d’une longue canne à bec de corbin, et, accrochant à la barre d’appui la partie recourbée, il s’était laissé glisser le long du jonc et avait sauté à terre en prenant la fuite avec une telle célérité qu’on n’avait pu le rejoindre. »
En quelques mois, voici donc une folle et un bâton, un propriétaire et sa canne-épée et un voleur avec une canne à bec de corbin, au centre des faits divers…
Article rédigé par Laurent Bastard, merci