Alfred FRANKLIN, dans l’entrée qu’il consacre aux marchands de cannes, dans son « Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le XIIIe siècle » (1905-1906), rapporte que :
« La canne ordinaire du Louis XIII était en bois d’ébène et surmontée d’une pomme d’ivoire. Celle de Louis XIV présentait une grande richesse, disent ses historiens. Parfois aussi, elle était de roseau puisqu’il en cassa une de ce genre sur le dos d’un valet. Dans une autre circonstance, comme Lauzun brisait son épée en lui déclarant qu’il ne voulait pas servir un roi sans foi, Louis XIV, transporté de colère, ouvrit la fenêtre et jeta sa canne dehors pour éviter de frapper un gentilhomme, « faisant peut-être dans ce moment la plus belle action de sa vie », dit Saint-Simon. »
Franklin renvoie, pour ces deux anecdotes, aux Mémoires du duc de Saint-Simon, tome I et tome XIX.
Ajoutons qu’il existe au Louvre un célèbre portrait de Louis XIV, en costume de sacre, bras tendu sur sa canne, peint en 1701 par Hyacinthe Rigaud.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
Voici le récit des deux accès de colère de Louis XIV, tel qu’il figure dans les Mémoires du cardinal DUBOIS, aux chapitres X et XI (Mémoires secrets du cardinal Dubois, publiées en 1814-1817 ; livre numérisé sur Google livres):
« Au sortir d’un grand couvert à Marly, il aperçut un valet qui, en desservant, dérobait un biscuit et le mit dans sa poche. Au même moment on lui présentait sa canne et son chapeau. Il ne put contenir sa colère, et, à la vue des dames et des gentilshommes qu’il poussa de droite et de gauche pour s’ouvrir un passage, il se précipita sur le voleur gourmand, l’injuria, le frappa, et lui brisa son bâton sur les épaules. « Ce n’était qu’un roseau », dit-il en forme d’excuse de sa brutalité. » (…)
« Lorsque (Lauzun) vint le sommer de tenir sa parole et de le nommer grand-maître de l’artillerie, il refusa net et lui tourna le dos. Alors Lauzun en fureur tira son épée et la brisa sous ses pieds en criant : « Je ne servirai de ma vie un prince qui manque à sa parole ! »
Le roi leva la canne qu’il avait à la main ; mais craignant sans doute quelque mauvais coup de la part de Lauzun aveugle dans ses emportements, il se radoucit, ouvrit la fenêtre, jeta sa canne et dit froidement : « Je ne me pardonnerais jamais d’avoir frappé un homme de qualité ! ». Puis il rejoignit ses courtisans.
Lauzun fut si touché de cette conduite plus prudence que généreuse, qu’il supplia Sa Majesté de le punir : le roi l’embrassa, et il ne fut parlé de rien. »