Un bâton s’avère toujours utile en montagne, surtout lorsqu’il s’agit de descendre des pentes raides et enneigées. Le récit qui suit est une relation d’ascension puis de descente du Cumbre, pic péruvien de la Cordillière des Andes, en 1827, par le lieutenant Chas-Brand, qui fut publié dans le « Musée des familles » de février 1835, p. 196-200. Nous en avons extrait ce qui concernait l’emploi du bâton. Ce récit est à mettre en parallèle avec celui qui concernait les Alpes suisses, publié le 27-11-2011 (Un bâton ferré pour descendre sur la glace).
« A trois lieues, on rencontre la Cuesta de Concual. C’est une affreuse descente au bas de laquelle se trouve un précipice épouvantable. Dans le fond de ce précipice, mais un peu sur la droite, roule une rivière rapide. J’ai vu peu de spectacles aussi effrayants : cette descente pouvait avoir de onze à douze cents pieds ; elle est si rapide dans certaines parties, qu’il est impossible de s’y tenir debout. Il s’agissait d’arriver au bas ; je n’aurais jamais pensé qu’on pût le tenter, si je ne l’eusse vu faire et fait moi-même, tant l’homme ignore ses forces avant l’épreuve.
Je restais stupéfait, et je me demandais s’ils oseraient l’entreprendre. Cependant, ils quittèrent leur bagage, le lancèrent, et on le vit descendre avec la rapidité de l’éclair. (…) Nos guides se préparèrent ensuite, je les vis se coucher à plat sur le dos, et partir l’un après l’autre avec une vitesse effrayante. (…)
Je pensais, malgré tout, que les choses ne s’arrangeraient pas aussi bien pour moi, et j’attendais pour voir comment s’y prendrait mon camarade. Il s’approcha du bord, fit un trou pour mettre ses talons, et enfonça jusqu’à moitié son bâton dans la neige, de manière à pouvoir se baisser et faire un autre trou. Il descendit ainsi les endroits les plus rapides ; ensuite il s’assit et se laissa couler jusqu’en bas. C’était mon tour. Je fis comme mon camarade, mais trouvant la pente trop rapide et très désagréable d’être ainsi pendu par le bras, j’agis avec plus de précaution, ce qui me demanda plus de temps. Je fis d’abord un trou avec mon bâton, et j’y enfonçai l’un de mes talons ; ensuite, je fis un second trou où je mis l’autre ; de la sorte je voyais très bien ma route ; je m’étais assis, et dans cette position j’atteignais à deux pieds devant pour me faire mon escalier ; je me tirai ainsi des passages les plus difficiles, ensuite je me laissai couler à plat sur le dos l’espace de 500 pieds. Cette opération m’avait bien demandé deux heures, mais pour tout l’or et l’argent des mines du Pérou, je n’aurais pas voulu descendre en glissant sur les parties les plus rapides. »
La gravure est celle de l’article. Elle est légendée « Descente du Cumbre. Dessin de Gavarni, gravure de Sears. »
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci