La crosse d’évêque a déjà été évoquée sur ce blog (Du bâton pastoral à la crosse d’évêque) mais il n’est pas inutile de rappeler que cet accessoire religieux a aussi donné lieu à des créations artistiques jusqu’à nos jours, par d’habiles sculpteurs et orfèvres.
Ainsi en fut-il de celle de l’évêque Othon 1er dont la revue « Le Magasin pittoresque », sous la plume d’E. MOLINIER, du Musée du Louvre, nous donne les détails dans sa livraison de février 1885, p. 36 et 37. A la fin du texte, on retrouvera la signification de ce bâton sacré, qui sert notamment à rassembler, soutenir, enseigner et corriger :
CROSSE D’OTHON Ier, EVEQUE DE HILDESHEIM, TREIZIEME SIECLE.
La belle crosse que nous publions ici fait partie du trésor de la cathédrale de Hildesheim. Nous n’avons pas à faire ici une histoire, même en raccourci, du bâton pastoral ; et sans prendre parti pour ou contre ceux qui voient dans la représentation du serpent sur les crosses une allusion à la verge d’Aaron ou à l’histoire du serpent d’airain, contentons-nous de remarquer que l’Agneau luttant contre le démon est l’un des sujets les plus fréquemment représentés sur cet instrument liturgique ; il ne peut ici y avoir de doute sur la signification de la scène sculptée dans la volute de la crosse : l’Agneau pascal, porteur d’une bannière – qui a disparu, – est attaqué par deux serpents symbolisant le démon ; l’un lui mord la queue, l’autre va le dévorer, mais un regard de l’Agneau suffit pour l’arrêter.
Il est probable que cette crosse n’avait pas à l’origine l’aspect qu’elle a aujourd’hui.
Elle est composée de deux parties bien distinctes : l’une, en ivoire sculpté, date du treizième siècle, ainsi que l’indique, du reste, une inscription. Quant aux ornements d’argent qui sertissent la volute, ils appartiennent à une époque plus moderne ; ces fleurs et ces fleurons estampés doivent être du quinzième siècle ; c’est sans doute aussi à cette époque que l’on aura fixé sur une tige recourbée, qui se détache du bas de la volute, les armoiries du chapitre de Hildesheim, « parti d’or et de gueules. » Deux anneaux d’argent niellé sertissent l’ivoire au-dessus et au-dessous du nœud de la crosse ; au-dessous du second de ces anneaux, sur l’ivoire même, est gravée l’inscription + OTTO : EPC : I : HILDENS.
C’est, en effet, à l’évêque de Hildesheim, Othon Ier de Brunswick-Lunebourg, que, suivant la tradition, cette crosse a appartenu ; et les caractères de cette inscription confirment la tradition. Othon fut nommé évêque de Hildesheim en 1260, par le pape Alexandre IV. Il n’avait alors que quatorze ans. Son élection fut confirmée, en 1264, par Urbain IV, mais ce ne fut qu’en 1274 qu’Othon prit possession de son évêché. Il reçut à Lyon le diaconat et la prêtrise des mains de Grégoire X, et fut ordonné évêque par l’archevêque de Mayence, Werner. Othon ne siégea pas longtemps, puisqu’il mourut en 1279.
Quant à l’inscription placée au-dessus et au-dessous du nœud, elle se compose de trois vers – que nous n’offrons pas comme un modèle de poésie latine, – et qui par leur sens et leur style ne s’écartent pas sensiblement des nombreuses inscriptions que l’on rencontre sur ce genre de monuments :
+ COLLIGE . SVSTENTA . STIMV
+ LA. VAGA. MORBIDA. LENTA.
+ ATTRAHE. PER. PRIMVM. ME
+ DIO. REGE. PVNGE. PER. IMVM
+ PASCE. GREGEM. NORMA. DO
+ CE. SERVA. CORRIGE. FORMA.
« Rassemble les égarés, soutiens les malades, stimule les paresseux. Attire par le haut, gouverne par le milieu, aiguillonne par le bas. Fais paître le troupeau, règle, enseigne, garde, corrige et forme. »
Dans cette phrase assez entortillée, il n’est pas difficile de retrouver des allusions aux trois parties de la crosse : la volute, le bâton et la pointe qui le termine. »
Une recherche sur le net ne nous a pas permis de savoir si cette crosse se trouvait toujours dans le trésor de la cathédrale d’Hildesheim, en Allemagne, qui fut très endommagée durant la seconde guerre mondiale par les bombardements alliés.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci