Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA CANNE DU MEGOTIER
Categories: Bâton comme outil

Il y avait encore au début du XXe siècle de petites activités qui permettaient une survivance précaire à ceux qui les exerçaient. Paul BORY les a évoquées dans son livre « Les Industries bizarres », paru chez Mame en 1900.

Celle du mégotier (p. 178-180) consistait à récupérer les mégots jetés sur les trottoirs et autres lieux publics et à les vendre à d’autres petits artisans, qui les triaient et les revendaient une fois triés, débarrassés de leur cendre et emballés. L’activité du mégotier s’exerçait à l’aide d’une canne particulière.

« Le mégotier est le ramasseur de bouts de cigares (de mégots) que nous voyons tous à certaines heures sillonner les boulevards et les grandes voies. Il suit le trottoir, les yeux fixés à terre, une canne à la main. Dès qu’il aperçoit un bout de cigare, un restant de cigarette, il le pique avec le petit crochet qui termine sa canne et le fait disparaître dans sa poche. (…)

Inconnu il y a trente ans, le commerce des mégots est exercé aujourd’hui par cent cinquante ou deux cents professionnels, sans compter un nombre égal d’irrégulier. (…)

Les ramasseurs sont les juifs errants de la partie. Dès que sonne l’heure favorable ils se mettent en route, arpentant les voies publiques et « avalant des kilomètres ». Vers une heure, la Bourse les attire, non pour des opérations financières, les pauvres ! plus simplement pour récolter les « londrès » à demi consumés que jettent facilement les spéculateurs. Les cafés leur offrent également de bonnes aubaines à ce moment, et il faut voir avec quelle prestesse ils opèrent sur les terrasses, se glissant avec une souplesse de couleuvre au milieu des tables et des consommateurs.

Leur meilleur moment devant les cafés est l’heure de l’absinthe. Pour peu que le temps soit clément, la récolte est fructueuse.

Ils ont encore les grands mariages, les portes des théâtres avant la pièce et après les entr’actes, les cafés-concerts, les brasseries, enfin tous les lieux où la foule vient affluer. Ceux qui sont plus entreprenants ou plus protégés s’entendent avec les garçons de salle, qui leur donnent l’autorisation de butiner dans les balayures avant qu’elles ne soient poussées à l’égoût ; d’autres reçoivent des garçons de cercle le contenu des cendriers et des crachoirs où les « orphelins » abondent.

Malgré l’abondance des sources, les ramasseurs gagnent péniblement deux francs dans leur journée. Pour cette somme, il leur faut ne pas apporter moins d’un ou deux kilogrammes de bouts au marchand. Dieu sait le nombre de kilomètres parcourus pour réaliser une pareille récolte ! »

Nous avons un peu débordé au-delà de la canne à crochet, mais nous n’avons pu résister à reproduire l’évocation pittoresque de cette activité disparue et fort peu hygiénique…

Est-ce cette canne d’un usage si particulier qui a suggéré à Carelman l’invention de la « canne ramasse-mégots » munie, non d’un crochet, mais d’un aspirateur ? (voir l’article).

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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