Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
LA CANNE DE « L’ONCLE SABRE » par HENRI BOSCO (1961)

L’écrivain Henri BOSCO (Avignon 1888 – Nice 1976) a évoqué ses souvenirs d’enfance dans son livre « Un oubli moins profond » en 1961.
Dans l’édition Gallimard de 2011, il consacre plusieurs pages (p. 314-318) à son oncle Baptistin, le frère de son père, « surnommé « Oncle Sabre », « Sabre » étant un surnom devenu à la longue un nom – le sien- le seul auquel il répondît. Donc, Sabre, « Baptistin Sabre ».

Il nous explique ensuite que ce surnom lui venait de l’attachement qu’il éprouvait pour le sabre qu’il conservait de son grand-oncle Thomas, dit Bras de Fer, maître de gabare, coureur des mers, corsaire de la famille. Mais lui, Baptistin, à défaut de sabre, savait manier la canne :

« Beau nom, évidemment, mais si difficile à porter quand, inoffensif, on est par surcroît le petit-neveu d’un corsaire.
Baptistin en souffrit. Il pensa qu’il fallait de quelque manière légitimer ce surnom exigeant et par trop significatif.
Or, en ce temps-là, existaient encore des salles d’escrime très particulières, où l’on vous enseignait à manier une arme, aujourd’hui oubliée, et cette arme c’était la canne… Oui, la canne, la canne d’arme… Moins noble que l’épée, que le sabre, que le pistolet, elle n’en était pas moins une arme connue et, dans ses mains habiles, redoutable. Baptistin y devint si fort qu’au bout d’un an on lui décerna bel et bien le diplôme de « Maître hors classe de canne ». Et on lui offrit, à cette occasion, une canne d’ébène baguée d’or.

A ce qu’on raconte, il la maniait avec une aisance, une virtuosité, un brio qui émerveillaient la famille.
- C’était un tourbillon, disait mon père, le plus véridique des hommes. L’air sifflait. Quelle adresse ! Du bout, il pouvait enlever un pruneau en équilibre sur une bougie, sans toucher la bougie. Il en fallait de l’œil ! et du poignet ! Tout ça, sans broncher de sa place, sans tourner la tête, sans rien regarder. Mais il voyait tout…

Et il ajoutait, après réflexion :
- Il en était fier, naturellement, mais tout cela ne valait pas un bon coup de sabre, un fendant, comme la lame du vieux Bras de Fer en avait donné tant et plus sur le crâne des Maures. Baptistin le savait. Mais que faire ?… N’est pas corsaire qui le veut… Alors il disait : Eh ! c’est toujours ça… Après tout, si je le voulais je pourrais aussi casser une tête… ». Comme il était doux, il n’en cassait pas…
Ainsi parlait mon père de Baptistin et de sa canne.

Baptistin est mort, il y a longtemps. La canne a disparu. Nous avons conservé, quelques années, le sabre, qui a disparu à son tour. »

Le portrait d’Henri BOSCO est issu de Wikipédia.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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