C’est en relisant « L’Ile au trésor » de Robert Louis STEVENSON (1850-1894) que nous sommes tombés sur ce mot : « anspect ». Comme il s’agissait d’une sorte de bâton, nous avons voulu en savoir plus. On lit en effet : « Je le vois encore, arrivant jusqu’à la porte de notre auberge suivi d’un porteur traînant sur une brouette, avec beaucoup d’efforts, un énorme coffre de matelot. (…) Il frappa à notre porte avec une sorte d’anspect qui lui servait de bâton. » Celui qui est ainsi décrit est Bill, un pirate, détenteur de la carte de l’île au trésor, laquelle va provoquer les aventures du jeune Jim Hawkins.
Le célèbre roman de Stevenson a été publié en 1883. Le mot « anspect » figure dans une traduction des Editions Fabbri de 1964, celle que nous avions en main. On le rencontre dans d’autres traductions. L’illustration jointe à cet article provient de cette édition destinée à la jeunesse. D’autres éditions françaises, dont celle d’Hetzel, en 1885 (en ligne sur Gallica), ne mentionnent pas le mot « anspect » mais « un gros bâton de houx ». Faute d’avoir pu nous référer au texte anglais original, nous ignorons ce que Stevenson avait écrit, mais il est probable qu’il ait employé l’équivalent de ce terme technique, que des traducteurs fidèles ont tenu à respecter.
Qu’est-ce qu’un anspect ? Le site du CNRTL (Centre National de Ressources de Ressources Textuelles et Lexicales) le définit comme un « levier muni à l’une de ses extrémités d’une forte ferrure plate autrefois employé dans la marine pour déplacer les canons des vaisseaux ».
Quant aux « barres d’anspect », ce sont des « barres tout en fer ou en bois garnies de fer à l’une de leurs extrémités qui s’introduisaient dans les alvéoles du cabestan et sur lesquelles s’appuyaient les hommes pour virer le cabestan » (selon Julien LE CLERE : Glossaire des termes de marine, 1960).
Le mot se prononce « anspek » (le T est muet). Il est attesté comme terme technique en 1648-1678 et est emprunté au néerlandais « handtspeecke », qui signifie littéralement « bâton que l’on tient dans la main ».
Le pirate Bill se servait donc d’un instrument qui lui était familier, comme d’un gros bâton de marche et peut-être de défense.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci