Il y eut des coups de canne qui connurent un certain retentissement au plan national, lorsque des hommes politiques en furent les victimes. Outre-atlantique, nous avons évoqué ceux de Jackson (voir l’article Le président Jackson brandit le bâton contre la France (1835) et du sénateur Brooks (Les coups de canne du sénateur américain (1856).
Voici à présent un coup de canne asséné dans un petit bourg de la Haute-Vienne mais dont le retentissement se propagea jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Cela se passa le 2 novembre 1814…
Laissons le rédacteur de la « Galerie historique des contemporains », tome II, Bruxelles (1822), nous raconter ce qui fit entrer dans ses biographies le dénommé L. A. de BLONS.
« BLONS (L. A. de), ex-seigneur de Darnac en Limousin, émigra lors des troubles et rentra, sous l’empereur, quand il n’y eut plus de danger à courir. Ce gentilhomme, voulant se montrer à ses vassaux dans tout l’éclat de sa gloire, se présenta le 2 novembre 1814 à sa paroisse, se plaça dans le banc d’honneur, et exigea du sacristain qu’il lui présentât le pain bénit de préférence au maire. Le sacristain, étranger depuis longtemps à cet usage, et ne voulant pas déplaire au premier fonctionnaire de la commune, hésita d’abord, et resta quelques moments incertain entre son devoir habituel et la crainte de s’attirer le courroux du nouveau seigneur.
Alors celui-ci, du ton d’un maître qui veut être obéi sans réplique, s’écria à haute voix, et avec colère : « Sacristain ! apporte, apporte ici. » Malheureusement le maire avait mis la main au plat le premier ; M. de Blons, furieux, brisa le pain avec sa canne, en menaçant le maire de sa vengeance.
Cette affaire ayant été dénoncée au corps législatif, y causa de grands débats, et l’on chargea la chancellerie d’informer. La révolution du 20 mars interrompit l’instruction. L’ex-seigneur de Blons ayant consenti à manger son pain bénit comme les autres, l’instruction ne sera pas reprise… »
Petites précisions pour les lecteurs qui auraient oublié leurs cours d’histoire : le coup de canne est donné le 2 novembre 1814, durant la première Restauration, c’est-à-dire après le départ de Napoléon, sous Louis XVIII. Frapper le pain bénit était un sacrilège. L’instruction de l’affaire est interrompue par la « révolution du 20 mars », c’est-à-dire durant les Cent jours, période du retour de l’empereur après son exil sur l’île d’Elbe (20 mars 1815 – 22 juin 1815).
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci