Le roi d’Angleterre Richard Ier, dit Richard Coeur-de-Lion (1157-1199) est-il à l’origine d’un jeu de cannes équestre ? C’est ce qui semble être, selon les « Chroniques de Sicile » rapportées dans l’ « Histoire d’Eléonor de Guyenne, duchesse d’Aquitaine, contenant ce qui s’est passé de plus mémorable sous les règnes de Louis VII dit le Jeune, roi de France, d’Henri II et de Richard son fils, surnommé Coeur de Lion, rois d’Angleterre » (1788), p. 239-241.
« Avant que de parler de cette dernière rupture, je ne puis supprimer une querelle qu’un jeu fit naître entre le roi d’Angleterre et Guillaume Desbarres, ce brave cavalier qu’il avait fait prisonnier de guerre, et à qui il avait rendu la liberté, pour lui témoigner l’estime qu’il faisait de son courage.
Un jour que Richard se promenait à cheval dans les rues de Messine, accompagné non seulement des seigneurs de sa cour, mais aussi de plusieurs de celle de Philippe, et de Desbarres entre les autres, un paysan passa chassant un âne chargé de cannes. Le roi en prit une, et ceux de sa suite à son exemple firent la même chose. Le jeu des cannes était alors en usage, et dura longtemps depuis. C’était un combat semblable à celui de la lance, les deux tenants courant l’un contre l’autre, et rompant leurs cannes au milieu de la carrière.
Le roi, s’adressant à Desbarres, voulut qu’il courût contre lui : les cannes se brisèrent dans leurs mains ; mais un éclat de celle de Desbarres donna contre le chapeau du roi, qui ne put s’empêcher d’en être irrité.
Il revint avec le tronçon de sa canne, tâchant de faire vider les arçons à Desbarres, qui se tint si ferme qu’il n’en put venir à bout. Au contraire, la selle du cheval du roi ayant tourné, il fut obligé de mettre pied à terre. Et croyant qu’il y allait de son honneur de voir encore Desbarres à cheval pendant qu’il était à pied, il retourna sur lui, et fit tous ses efforts pour le porter par terre, sans qu’il y pût réussir.
Alors un seigneur anglais s’étant approché pour lui aider : « Retirez-vous, lui dit le roi, je n’ai pas besoin d’un second. Un contre un, ce sont les lois du combat, et je ne veux point de supercherie ». Cependant, ayant eu dans cet intervalle le temps de revenir de son ardeur, il reconnut qu’il s’était commis mal à propos, et regardant Desbarres avec chagrin : « Otez-vous, lui dit-il, de devant moi, et que je ne vous voie jamais. » Desbarres reconnut à son tour qu’il en avait trop fait, se retira auprès de Philippe, qui eut bien de la peine à faire sa paix avec Richard, et qui employa pour cela ses prières et celles de tous les seigneurs de sa cour pendant plusieurs jours. »
Ce jeu de cannes équestre est donc une variante des tournois médiévaux à la lance. D’autres auteurs ont rapporté l’épisode ci-dessus en des termes analogues, tel Paul-Louis Courier (Longus, Herodotus, 1833, p. 35) et F. Joseph Cardini (Dictionnaire d’hippiatrique et d’équitation, 1848, p. 166). Ce dernier auteur écrit que ce jeu guerrier était en usage au commencement du XVe siècle. Les combattants se servaient de cannes de jonc ou de bâtons légers. Il ajoute qu’il « ne paraît pas qu’il ait jamais été en usage dans les carrousels » (carrousel : fête militaire ou image de combat, représentée par une troupe de cavaliers divisée en plusieurs quadrilles, destinée à faire des courses pour lesquelles on donne des prix »).
L’illustration représente un combat à la lance entre deux cavaliers et est extraite de « XVème siècle. Exposition universelle de Séville 1992″, Ed. Electa.
Article proposé par Laurent Bastard. Merci