Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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SAINTE JEANNE DE VALOIS ET SA BÉQUILLE

L’église du petit village de Commarin (21) renferme un vitrail du XIXe siècle qui a attiré notre attention. Il nous montre une femme couronnée et nimbée, en tenue médiévale, tenant ce qui nous a semblé être un bâton de prime abord. Mais ce bâton est particulier : il est en forme de tau.
Ce ne peut donc être celui d’une abbesse, dans la main duquel le maître verrier aurait placé une crosse.

Le nimbe figuré autour de sa tête atteste qu’il s’agit d’une sainte et sa couronne incite à penser qu’il s’agit d’une reine.
Le vitrail n’est pas légendé et aucun cartel ne figure à proximité pour nous donner le nom de cette sainte.
Après quelques recherches, il apparaît que quatre reines furent sanctifiées.

La reine Clotilde (vers 474-vers 545) fut l’épouse de Clovis 1er, roi des Francs. L’iconographie la représente parfois tenant un sceptre, insigne de royauté, mais qui ne saurait être confondu avec le long bâton en tau du vitrail de Commarin.

La reine Radegonde (vers 519-587) fut l’épouse de Clotaire Ier, roi des Francs. Les artistes l’ont représentée tenant un bâton plus ou moins long mais il s’agit également de l’insigne du pouvoir royal, différent du long bâton en tau de la sainte figurée à Commarin.

La reine Bathilde (630-680) fut l’épouse de Clovis II. Une statue du portail de l’église Saint-Germain l’Auxerrois à Paris-1er, du XIIIe siècle, tenant un bâton assez court qui est en fait un sceptre, insigne de sa fonction royale. La confusion n’est pas possible avec le long bâton tenu par la reine du vitrail.

En revanche, Jeanne de Valois ou Jeanne de France (1464-1505) épousa en 1473 Louis d’Orléans, alors qu’ils étaient âgés de 9 et 11 ans ! Devenue reine de France lorsque son mari devint le roi Louis XII, elle fut répudiée en 1498, 22 ans après son mariage, au prétexte qu’il n’avait jamais été consommé. Elle devint duchesse de Berry et, très pieuse, fonda en 1502 l’ordre monastique de l’Annonciade.
Elle fut béatifiée en 1742. Le pape Pie VI accorda en 1775 le pouvoir de célébrer l’office et la messe de Ste Jeanne de Valois. Elle fut canonisée en 1950.
Or, Jeanne de Valois était infirme de naissance et atteinte de claudication. Elle était surnommée « Jeanne la boiteuse » ou « Jeanne l’estropiée ». Ce ne peut être que pour cette raison que le maître verrier a placé dans sa main un long bâton en tau. C’est en réalité une béquille, destiné à être placée sous l’aisselle afin de faciliter la marche.

Il ne faut jamais oublier que de tous temps, l’iconographie des saints a été codifiée afin que l’on puisse les reconnaître, pour autant que l’on ait entendu le récit de leur vie. L’instrument de leur métier, celui de leur martyre, les insignes de leurs fonctions civiles et religieuses, des animaux qui interviennent dans les légendes qui leur sont associées, etc., permettaient à des illettrés comme à des érudits de les identifier aisément.

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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