On sait que l’art du bâton était pratiqué par les soldats. En témoignent au XIXe siècle les brevets de maîtres de bâton et de canne, où sont représentés des militaires de diverses armes autour des lutteurs.
En 1829, un colonel anonyme écrivait le plus grand bien de la gymnastique et des cours de bâton au sein des armées, dans un article paru dans « Le Spectateur militaire » n° 41, p. 461-462.
Les soldats, écrit-il, pratiquent assez peu les duels car ils « ont appris par leurs anciens compagnons d’armes qu’il fallait réserver sa bravoure pour se battre avec l’ennemi plutôt qu’avec ses concitoyens. Ils savent d’ailleurs qu’une fois rentrés dans leurs foyers, ce n’est pas avec l’épée qu’ils auront à terminer leurs querelles. On les voit donc pour la plupart employer leurs loisirs à apprendre ce qu’on appelle jouer du bâton.
Il est peu de régiments qui n’aient leurs maîtres bâtonistes ; les soldats aiment en général beaucoup cet exercice, qui est proscrit mal à propos selon moi dans quelques régiments. C’est de ce goût et de cette disposition que je voudrais qu’on s’emparât, dans un but bien autrement utile que le talent de l’escrime, celui de perfectionner l’adresse du soldat dans le maniement de son arme ; il s’habituerait ainsi à ne plus la trouver lourde, quand il s’agirait de porter des coups à l’ennemi sur le champ de bataille.
Il n’est pas de militaire qui n’ait eu l’occasion de remarquer combien cet exercice du bâton développe les forces, la légèreté et la souplesse. Ces mouvements précipités pour attaquer et pour parer ; l’action des bras, soit qu’on les emploie tous deux à la fois ou séparément, ces voltes rapides, en avant, en arrière, ou de côté, demandent une grande agilité, et tous ces mouvements ne sont pas plus dépourvus de grâce que d’adresse. Presque toutes les feintes de l’escrime s’y trouvent, ainsi que les moyens d’attaque et de défense, et elles y sont même plus nombreuses, puisque l’on peut se servir des deux bras.
En encourageant cet exercice, en substituant au simple bâton une perche assez lourde et de la même longueur que le fusil armé de sa baïonnette, le soldat apprendra à se servir avantageusement de son arme ; il saura parer vivement à droite et à gauche, comme s’il se trouvait dans une mêlée, lancer avec promptitude et à une grande distance, des coups dans toutes les directions, soit des deux mains, soit de chacune séparément ; et quelle que soit l’adresse des soldats étrangers, le soldat français ainsi exercé ne leur cèdera jamais, s’il se trouve aux prises avec des ennemis même familiarisés avec cette instruction. »
Suggestion étendue aux enfants, en janvier 1868, dans un article intitulé « A propos de l’armée », (p. 262), paru dans la « Revue trimestrelle, publiée sous la direction de M. Eugène Van Bemmel » (Bruxelles) :
« Dans les écoles suisses, on exerce les enfants aux armes et à la manoeuvre. Chez nous, on vante la gymnastique des cordes et des poids ; on s’abstient parce que ces cordes et poids coûtent trop cher à mettre en appareils ; on ne songe pas à cette gymnastique toute trouvée qui n’a besoin que d’un bâton.
Tout le monde a vu, dans nos régiments, l’exercice du bâton. Il n’en est pas de mieux approprié au but. Les bras et les jambes sont assouplis, agiles, vifs. C’est l’harmonie dans l’attitude, l’équilibre dans le mouvement, la promptitude dans le coup d’oeil.
Si les jeunes gens avaient à se livrer à un exercice de cette nature pendant plusieurs années, avant la conscription, l’armée elle-même y trouverait un avantage considérable. Il lui importe peu que les recrues aient déjà manié le fusil : cela s’apprend aisément et en peu de temps ; ce qui lui importe beaucoup c’est que les nouveaux venus soient agiles, bien découplés et pas bêtes. »
La gravure illustrant cet article est extraite de « La Semaine des enfants » n° 223, du 6 avril 1861.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci