Le porteur d’un bâton ordinaire ne risquait guère de se le voir dérober. En revanche, celui qui déambulait avec une belle canne à pomme d’or pouvait être victime d’un vol monté par deux complices…
Voici ce qui figure dans « Les ruses des filous dévoilées, contenant le détail des ruses, finesses, tours industrieux employés par les filous pour faire des dupes, ainsi que les aventures auxquelles leurs friponneries ont donné lieu. Ouvrage facétieux et utile à tout le monde », Paris, Pillot, 1804 (reproduit sur Google livres).
Pages 38-39 : « Un particulier qui se promenait dans une des rues de Paris, ayant à la main une très belle canne à pomme d’or, rencontra un mendiant qui paraissait se traîner avec beaucoup de peine à l’aide de deux béquilles, et qui le sollicita si vivement de lui faire l’aumône, que pour se débarrasser de ses importunités, il lui donna une pièce de douze sols.
Un passant fort bien vêtu dit au premier que cette aumône était fort mal placée ; que le fripon à qui il venait de la faire avait des jambes aussi bonnes que les siennes, et qu’il ne contrefaisait l’estropié que pour extorquer de l’argent aux gens charitables à qui sa prétendue situation pouvait inspirer de la pitié. « Pour vous en convaincre, ajouta-t-il, prêtez-moi un instant votre canne, et vous verrez que la crainte d’être traitée comme il le mérite lui rendra bientôt son agilité ».
L’homme à la canne à pomme d’or, piqué d’avoir été la dupe de son bon coeur, et curieux de voir ce qui en était, prêta sa canne, et l’étranger officieux courut sur le mendiant pour le frapper. Celui-ci mit ses béquilles sous le bras, redressa ses jambes, et se sauva avec tant de promptitude que l’homme curieux qui les suivait l’un et l’autre de l’oeil, jugea que l’assaillant ne joindrait pas le fuyard.
Il y a cependant lieu de croire qu’il le rejoignit à la fin, puisque la canne n’est pas revenue ; et que le particulier, après avoir attendu inutilement, se vit contraint de continuer son chemin sans sa canne à pommeau d’or. »
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci