Plusieurs articles ont déjà été consacrés à l’utilisation d’un bâton pour produire du feu par frottement : Bâtons à feu ; Le bâton frotté pour faire du feu ; Bâton à feu en Australie. En voici un autre, qui nous renvoie aux origines mythologiques du feu chez les hommes, et qui nous renseigne sur un bâton à feu particulier aux anciens peuples de l’Inde, les Aryens, appelé le « pramatha ».
Les Aryens et le dispositif en forme de croix gammée évoque évidemment les Nazis, mais il ne faut pas commettre d’anachronisme : ce sont eux qui se sont forgés des origines indo-européennes, aryennes, et ont détourné de son sens le très ancien symbole solaire du swastika.
Ce texte est extrait du « Manuel général de l’instruction primaire ; journal hebdomadaire des instituteurs et des institutrices. Supplément : enseignement primaire supérieur ; enseignement complémentaire », tome IV. Année 1880, p. 70-71 (texte complet lisible via Google livres).
« Dans « L’Homme avant les métaux », M. N. JOLY aborde son sujet par la comparaison de la légende grecque de Prométhée avec celle des anciens habitants de l’Inde, les Aryens, les plus anciens de nos ancêtres connus. Les Grecs supposaient que Prométhée avait été ravir le feu au ciel pour en faire présent à l’humanité.
Cette fable n’était que la reproduction d’une légende aryenne, qui représente le feu céleste personnifié par le dieu Agni caché dans un coin du ciel, d’où le fait sortir une divinité bienfaisante pour le communiquer à Manou, le premier homme. C’est de ce mot « Agni » qu’est venu le mot latin « ignis », feu, d’où en français « igné », qui participe de la nature du feu.
L’origine même du nom de Prométhée, le prétendu ravisseur du feu céleste, confirme et explique les légendes grecque et hindoue ; voici comment. Les anciens brahmanes se servaient, pour obtenir le feu sacré, d’un bâton qu’ils appelaient « pramatha », mot composé de « matha », produire au moyen de la friction, et « pra », préfixe qui implique l’idée de force, de violence. Prâmâthius est celui qui creuse en frottant, pour produire du feu, selon le procédé très simple que nous allons décrire tout à l’heure.
Le nom de Prométhée dérive tout naturellement de Prâmâthius.
Quant au pramatha ou bâton allumeur, c’était, nous dit M. Joly, « un morceau de bois muni d’une corde de chanvre mêlé à du poil de vache (poils longs de la queue du yack), et à l’aide de cette corde enroulée autour de la partie supérieure, le prêtre de Brahma lui imprimait un mouvement rotatoire alternatif de droite à gauche et de gauche à droite. Ce mouvement avait lieu dans une petite fossette pratiquée au point d’intersection de deux morceaux de bois placés transversalement l’un au-dessus de l’autre, de façon à former une croix, tandis que leurs extrémités, recourbées à angle droit, étaient fixées solidement par quatre clous de bronze, afin qu’elles ne pussent tourner ni d’un côté ni de l’autre. » Ces détails se trouvent consignés dans le livre sacré des Perses (Zend-Avesta) et dans les hymnes védiques de l’Inde.
Le petit appareil sur lequel s’appuyait le pramatha est figuré sous ces deux formes, que l’on retrouve dans les « fusaïoles » ou disques en terre cuite retirées des ruines de Troie et aussi sur les anciens pesons de terre des anciens tombeaux du Pérou. » (…)
Revenons maintenant au livre de M. Joly pour nous rendre compte des divers procédés qui fournissent du feu par le frottement de deux morceaux de bois.
Il est possible que l’on ait commencé par frotter simplement deux morceaux de bois tenus dans les mains. Mais la fatigue qui résulte d’une telle opération dut faire chercher des moyens de le rendre plus pratique. Les habitants de Tahiti, de la Nouvelle-Zélande, des îles Sandwich, etc., connaissaient, avant la venue des Européens, un procédé rudimentaire mais efficace. Un morceau de bois tendre et sec étant posé à terre, on y trace un sillon, au moyen d’un long bâton de bois dur un peu effilé, et par un mouvement de va et vient dans ce sillon, le bâton qui supporte une partie du poids du corps, l’échauffe et fait jaillir des étincelles.
Mais le mouvement alternatif de ce bâton est encore très pénible lorsqu’il faut l’exécuter rapidement. Aussi trouve-t-on chez le plus grand nombre de peuples primitifs l’usage d’un mouvement rotatoire qui permet d’obtenir facilement une vitesse suffisante. L’instrument peut s’appeler un « vilebrequin à feu ».
Le texte se poursuit avec les différentes sortes de vilebrequins à feu chez les peuples du monde.
L’illustration représente les deux sortes de bâtons formant une croix, au centre desquels on place le bâton qui, par frottement, va produire du feu.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci