Il existe de nombreux récits de sorciers ici et là en France, où leur bâton est censé être un redoutable instrument pour jeter des sorts, guérir ou rendre malade, voir tuer à distance, ou encore servir de moyen de locomotion si on le chevauche.
On se reportera aux articles Le sorcier breton vole sur un bâton de genêt et Pas touche au bâton de sorcier.
Aujourd’hui, voici trois cartes postales éditées au début du XXe siècle, représentant un sorcier du Finistère et une sorcière du Morbihan, qui devaient être assez connus à l’époque pour qu’un éditeur leur tire le portrait.
L’une nous présente, debout, « Le sorcier de la Montagne Laouic Coz racontant ses conchenous (vieilles histoires bretonnes) ». Série « Nos vieux de Bretagne ; Etude des costumes des costumes de Bretagne – Saint-Thois », collection VILLARD, Quimper ».
Une autre nous montre, assis sur un banc, « Le sorcier de la Montagne Laouic Coz attendant ses consultations ». Série « Etudes des costumes de Bretagne – Saint-Thois ».
Enfin, on découvre le visage quelque peu inquiétant de « Naïa, la sorcière du Vieux Château », à Rochefort-en-Terre (Morbihan). Série « Mœurs et coutumes bretonnes ».
Le sorcier tient son fort bâton dont le haut semble couvert d’une sorte d’étui. Naïa tient un bâton écoté, portant des sortes d’épines, restes de rameaux.
Evidemment, ces photos sont des mises en scène. Celles du sorcier de la Montagne ont été prises en studio, devant une toile peinte. Le sol bien propre et uni n’a rien de l’intérieur de la masure du Finistère où devait vivre Laouic Coz, fait de terre battue ou au mieux de carreaux de terre cuite.
Qui étaient au juste ces personnages ? Ont-ils vraiment existé ? S’agit-il de figures locales inventées pour accréditer l’idée que la Bretagne était une contrée arriérée et mystérieuse ?
Un visiteur breton du site pourrait-il nous éclairer ?
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Ces personnages, comme vous les appelez, ont bel et bien existé. Et combien d’autres qui ne figurent sur aucune carte postale… Il y a peu de temps encore, les dernières personnes à les avoir rencontrés étaient capables d’en témoigner. Les descendants de ces témoins, bien vivants, peuvent vous le dire.
« Bretagne arriérée », ça, c’est votre regard. Ici (chez nous, en Bretagne), ces gens faisaient partie du quotidien, il fallait un œil extérieur comme le vôtre pour les regarder comme « pittoresques » ou « arriérés ».
Mise en scène pour la photo ? Oui, comme chaque fois qu’on prenait une photo à une époque où personne ne possédait d’appareil. Mes arrière-grand-parents n’ont fait qu’une seule et unique photo dans leur vie : ils s’étaient rendu, en char-à-bancs, dans un studio à plus de 100 km de chez eux. Ils avaient mis leurs vêtements les plus précieux pour ce voyage et cette photo exceptionnelle, qui trône aujourd’hui sur ma cheminée.
Nous sommes très nombreux à avoir conservé ces photos rares et « mises en scène ». Parce qu’on se déplaçait jusqu’au studio du photographe, pas l’inverse.
Quant aux « sorciers », « sorcières », ils étaient parfaitement intégrés, je vous le disais plus haut. Et figurez-vous qu’ils et elles le sont toujours. Aujourd’hui. Mais ça, pour le savoir et savoir où les trouver, il faut un autre regard, et connaître le pays et les gens qui y vivent. Ils ne se font plus avoir et ne se laissent pas prendre en photo.
Ce n’est pas sur internet que vous les trouverez, où on ne les voit sûrement pas. À part quelques traces, ici ou là (https://www.ouest-france.fr/bretagne/rochefort-en-terre-56220/naia-la-sorciere-nest-pas-tout-fait-une-legende-3937275).
L’esprit ouvert n’est pas toujours là où on croit.
Digor da zaoulagad, paotr, ha da galon, marteze ‘weli sklaer.
La réaction de ce visiteur est surprenante car elle m’attribue des propos (« votre regard ») que je ne revendique aucunement.
Je confirme, en revanche, que de multiples témoignages issus de journalistes et écrivains non-Bretons présentaient au reste de la France les populations bretonnes du XIXe siècle comme arriérées, jugement que je ne partage absolument pas.
La méconnaissance et la condescendance du reste de la France et de Paris en particulier, envers la Bretagne et les Bretons, était réelle (le personnage de Bécassine en est un exemple). Lorsqu’on lit les reportages du Magasin pittoresque, par exemple, sur les Bretons, leurs coutumes, leurs langue, on a l’impression de lire des relations de voyage en pays exotiques. Mais, parallèlement, le reste de la France découvrait avec intérêt une autre histoire et une autre culture.
On peut faire le même constat en ce qui concerne les Basques.
Et c’est cela qui est navrant, pas ce que j’écris comme un constat.
Ceci dit, il est tout de même évident que ces photos pour cartes postales sont « mises en scène » pour mieux se vendre, même si les personnages (encore un mot dont je récuse tout sens péjoratif : ce sont bien des « personnages », c’est-à-dire de « personne qui se distingue ») ont bien existé. Je confirme moi aussi en avoir connu dans les années 1950-1960 en Basse-Normandie.
Alors, pourquoi faire montre de tant de susceptibilité hors de propos, car ni le CRCB ni l’auteur de l’article ne sont concernés ?