Le 19 juin 2013 étaient mis en vente à l’hôtel Drouot-Richelieu, à Paris, deux splendides brevets de prévôt de baton dessinés à l’encre et peints à l’aquarelle. Ils datent de la Restauration. La vente était conduite par Alexandre Ferri, commissaire-priseur.
Le premier document était annoncé comme un « exceptionnel brevet de prévôt de bâton délivré à un compagnon ». Voici sa description : En haut, à gauche et à droite, deux bâtons sont placés en sautoir et suspendus par un ruban. En-dessous, les devises : FORCE ADRESSE et TALENT PRUDENCE.
Au centre de ces motifs, derrière des drapeaux blancs on voit les armes du royaume de France à trois fleurs de lys, surmontées d’une couronne et flanquées de deux allégories tenant des cornes d’abondance d’où sortent des fleurs. Sous ces motifs on lit la devise : GLOIRE A DIEU HONNEUR AUX ARTS
En-dessous se trouve une arène entourée d’arbres, avec, au fond, une entrée ménagée entre deux tours couvertes d’un dôme. Entre les deux, la statue d’Hercule ou de quelque colosse mythologique.
A gauche, sur un chapiteau antique, l’artiste a représenté la statue d’Hercule, terrassant l’hydre de Lerne avec sa massue ; à droite, lui fait pendant Samson, terrassant un lion, selon l’épisode relaté dans la Bible.
Au centre, deux bâtonnistes croisent leur instrument tandis que quatre hommes à droite et quatre à gauche assistent au combat. L’un tient un bâton, l’autre son chapeau haut-de-forme, un troisième une bouteille et lève son verre.
En dessous, les vertus des lutteurs s’affichent en toutes lettres : LOYAUTE FRANCHISE
Ce très beau dessin n’a pas été attribué par l’expert à un artiste déterminé, mais il ne fait guère de doute qu’il est de la même main que celui qui a été reproduit sur ce site en 2010 sous le titre : « Les grades de compagnons bastonneurs ! ». L’auteur était un piqueur (dessinateur, employé de la voirie) de Bordeaux, nommé Etienne LECLAIR. Il a beaucoup produit de belles et grandes compositions aquarellées pour les compagnons du Devoir, en particulierl es charpentiers et les charrons. Ses dessins aquarellés (des « conduites » de compagnons et des portraits en pied), ont été exécutés de 1816 à 1840 environ. Il en est régulièrement découvert.
L’intérêt du document vendu à Drouot repose sur son ancienneté (1817) mais surtout sur le fait que ce brevet de prévôt a été délivré à un compagnon tanneur-corroyeur du Devoir. Cela atteste la popularité des leçons de bâton et de canne auprès des compagnons, source des innombrables rixes enregistrées par la police et les tribunaux jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Voici le texte de ce brevet :
« Nous Maîtres soussignons, certifions et attestons à tous ceux à qui il appartiendra que le sieur P. Béranger Maître au dit art nous a présenté le nommé Henry Théodore Amiot dit Beauceron la Vertu compagnon tanneur et corroyeur à l’effet de le faire recevoir prévot d’après un examen scrupuleux, sur ses moeurs et talents… Délivré à Bordeaux le 1er février 1817».
On remarquera l’importance donnée aux valeurs morales (Loyauté, Franchise) associées aux qualités techniques du jeu (Force, Adresse, Talent, Prudence) et dans la formule du brevet : « un examen scrupuleux sur ses moeurs et talents ». Il y a, comme en escrime et dans tout sport, une dimension chevaleresque qui donne ses lettres de noblesse au jeu de bâton.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Note : ajoutons également qu’aujourd’hui encore, certaines valeurs sont toujours attachées à la pratique du bâton (et de la canne) – respect, adresse, prudence, fair play… même si le côté chevaleresque reste un peu moins visible