Sous le titre « Les petites joies de la vie humaine » (Paris, Hetzel, 1858), Jules VIARD a évoqué tous les petits moments heureux qui réjouissent l’homme dans le quotidien. Bien évidemment, comme tout un chacun portait une canne de son temps, il n’a pas manqué de décrire la peine de la perdre et la joie de la retrouver un instant plus tard ! Voici cet extrait (l’intégralité du livre est sur Google.livres).

« Vous flânez, le nez au vent, en « nigaudinant » avec une canne de prix, que vous faites bondir entre vos doigts sur les dalles d’un passage ou sur le bitume d’un trottoir…
Tout à coup, grâce à une grille traîtresse, votre canne vous échappe et… disparaît.
- Eh bien, Panglos ? Eh bien, monsieur ?
- Voilà ma canne perdue !… ma canne dans un égoût probablement ? Quel malheur ! … Ce n’est pas la valeur de ma canne ! mais j’y tenais ! Elle me venait d’un oncle que j’adorais… un souvenir précieux ! Ah ! quel malheur !…

Consolez-vous !… vous entendez la voix charitable, quoiqu’un peu enrouée, d’un honnête homme qui vous crie, du fond de la cave où il travaille, car ce n’était qu’une cave :
- A qui la canne ? …
Et vous la voyez aussitôt, avec quelle joie ! remonter à travers la grille du soupirail, comme on voit s’élever par une trappe une décoration d’opéra !…
- Oh ! merci, mon brave ! … merci ! …
- N’y a pas de quoi, bourgeois ! … Au revoir, mossieur ! …

Et l’honnête homme se remet au travail dans sa cave en se disant :
- Eh bien, qu’est-ce qu’il a donc, ce paroissien-là, avec ses salamalecs pour une canne ?… (Pause). Ah çà ! y croyait donc qu’on allait la lui voler, sa canne (Pause). Muffe ! … aristo ! … va ! … »

La gravure représente « Un élégant piémontais. Dessiné d’après nature, par Stop », et est extraite du « Musée des familles » de mars 1860.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci