Le chevalier Laurent d’Arvieux (1635-1702), « envoyé extraordinaire du Roi à la Porte » a raconté ses longs séjours dans l’empire turc qui s’étendait alors jusqu’en Syrie, Palestine, Egypte, Arabie, etc.. Ses Mémoires, publiées en 1735 renferment des observations sur les coutumes étonnantes alors en usage dans ces régions.
Lorsque le chevalier d’Arvieux était à Rama, en Palestine, en 1659, il raconte (p. 28-31) comment la folie faisait l’objet d’un traitement de choc au bâton !
« Le maître de cet hôpital est en même temps le médecin de ceux que l’on y renferme, et comme les autres médecins, il les guérit quelquefois par adresse, et plus souvent par hasard.
Les remèdes qu’il emploie sont de deux espèces : la bonne nourriture et les coups de bâton (…)
Quand il connaît que le mal vient d’un vice de l’imagination blessée, et obstinément attachée à une chose ou à un objet, il s’y prend d’une autre manière, et tâche de rendre le malade docile, afin de lui remettre peu à peu l’imagination dans la situation où elle doit être.
Il en coûte au malade ; mais on en voit assez souvent qui guérissent, et qui deviennent aussi doux, aussi obéissants et aussi traitables, qu’avant qu’ils tombassent dans ce triste état.
Lorsqu’on amène un de ces malades à l’hôpital, le maître lui demande gravement s’il a des mains. Si le malade obstiné refuse de répondre, ou s’il répond mal, il le fait coucher par terre par ses gens, et lui fait donner cinquante ou soixante coups de bâton sur les fesses, ou sur la plante des pieds. Après quoi il lui fait donner à manger.S’il refuse de manger, on recommence à le battre. Telle que soit la folie, elle n’empêche personne de sentir les coups.
Le lendemain le maître lui fait la question du jour précédent, et s’il s’obstine à ne pas répondre, on recommence le châtiment ; et tous les jours suivants, jusqu’à ce qu’on l’ait obligé à dire qu’il a des mains. Après cela on lui demande combien il en a, et on les lui fait compter plusieurs fois de suite. On lui fait faire la même question pour ses doigts, et on le réduit enfin à une telle obéissance, et une si grande soumission, qu’un enfant de quatre ans n’en a pas de plus grande.
C’est ainsi qu’une bonne nourriture jointe au châtiment qu’on ne leur épargne pas, réduit à la fin les plus obstinés aux devoirs que l’on exige d’eux. Il est vrai qu’il en meurt plus qu’il n’en guérit, comme nos médecins en tuent plus qu’ils n’en guérissent ; mais les maîtres de ces hôpitaux s’en mettent aussi peu en peine que les médecins, et disent qu’il est plus à propos qu’un homme sorte de ce monde, que d’y demeurer privé de la raison. »

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci