Sophie ROSTOPCHINE, plus connue sous le nom de la comtesse de SEGUR (1799-1874) a écrit de nombreux romans pour enfants. Des souvenirs de sa propre enfance difficile et de ce qu’elle a observé, elle a dressé des scènes au cours desquelles les enfants ne sont pas ménagés et souvent battus. Ses livres « passent mal » aujourd’hui mais de son temps, les punitions corporelles étaient courantes, brutales, excessives, voire arbitraires.
Dans « Pauvre Blaise », publié d’abord en feuilleton dans le magazine La Semaine des enfants en 1861, elle décrit l’épisode de la venue du comte de Frénilly à la ferme où travaille le petit Blaise. Le comte est le propriétaire de la ferme. Il attend la venue de l’enfant dans une pièce, tandis que ses camarades l’observent par la fenêtre, terrorisés car ils le prennent pour un ogre. Le comte saisit l’un d’eux et c’est alors que ses frères se précipitent pour empêcher qu’il soit dévoré, armés d’une fourche et d’un râteau, et le délivrent. Peu après, la fermière les reconduit, penauds, devant le comte :
« Il les attendait debout au milieu de la salle, les bras croisés et tenant une canne à la main. La fermière salua, balbutia quelques mots d’excuse et attendit que le comte parlât. « Approchez, polissons ! dit le comte d’une voix brève ; comment avez-vous osé me menacer de vos fourches ? ROBERT : J’ai cru que vous alliez manger Alcine ; c’est alors que nous avons foncé sur vous pour le dégager. FRANCOIS : Je vous prenais pour un ogre, tant vous aviez l’air sauvage et…mécontent. LE COMTE, à la fermière : Vous leur donnez de jolies idées sur mon compte. Je vous fais compliment de votre succès. Vous pouvez dire à votre mari qu’il n’a pas besoin de se déranger pour venir signer la continuation de son bail. Je vous renvoie à Noël. Et quant à ces maudits garnements, je leur apprendrai à me respecter. Et dégageant sa canne, il leur en donna quelques coups en disant : « Chacun son tour ; voici pour la fourche, voilà pour le râteau ! » Les pauvres enfants se sauvèrent en criant… »
D’autres auteurs ont évoqué les coups de canne donnés aux enfants. Louis DESNOYERS (1805-1868) est connu pour avoir écrit « Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart », publié en 1834 et qui fit l’objet de nombreuses éditions révisées jusqu’en 1865, puis fut réédité jusqu’à nos jours, et même adapté pour le cinéma.
Lors d’une querelle entre enfants, le jeune Jean-Paul se mêle à la bagarre jusqu’à ce que des hommes viennent séparer les combattants « en cinglant les plus acharnés de quelqued coups de fouet ou de mince baguette. Ce fut ainsi que Jean-Paul se sentit tomber sur le dos plusieurs coups de noisetier qui le pincèrent fort. » (p. 30 de l’édition Duval, 1926).
Ou encore Henri de REGNIER (1864-1936), qui, dans un conte intitulé « L’Acacia », publié dans « Le plateau de laque » en 1913, évoque l’agitation des enfants autour d’un acacia abattu dans un village : « Heurtaut, le garde-champêtre, menaçait de son bâton quelques gamins qui gambadaient en agitant à grands bras des branches fleuries. (…) Il allongea un coup de canne à un gamin qui s’approchait pour arracher une branche à l’arbre tombé ».
L’évolution des moeurs et de la législation font qu’aujourd’hui les châtiments corporels, qui plus est sur des enfants, sont aujourd’hui interdits et correctionnellement punis.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci