L’encyclopédie Wikipédia définit l’alpenstock (littérallement : bâton alpin) comme un long bâton muni à sa base d’une pointe en fer. Il comprenait parfois une cordelette pour le retenir. Sa longueur variait de 2, 20 m à 1, 80 m (elle a eu tendance à se réduire au cours du XIXe siècle). L’alpenstock servait à garder son équilibre en montagne et à sonder les crevasses.
Il a été progressivement délaissé au profit du piolet, en devenant un accessoire de promeneur, de touriste, mais plus d’alpiniste, et, nous dit Wikipédia, « pour disparaître à la fin du XIXe siècle. »
Est-ce bien sûr ? Non, car il a été conservé chez les chasseurs alpins et les soldats des régiments d’infanterie alpine, au moins jusqu’à la deuxième guerre mondiale.
Un mot sur les uns et les autres. Les chasseurs alpins furent créés en 1887 ou 1888, pour assurer la défense de la frontière avec l’Italie. Ils ne restaient en montagne que l’été, alors que les régiments d’infanterie alpine (157e, 158e, 159e et 97e) occupaient les ouvrages fortifiés en montagne durant l’hiver. Les premiers étaient donc mobiles, tandis que les seconds étaient fixes. Ils furent aussi créés de 1887 à 1890. Ils occupaient l’Ubaye, la Tarentaise, la Maurienne, le Briançonnais.
Qu’est-ce qui les distinguaient ? Les chasseurs alpins portent une une tenue bleue tandis que jusqu’au début de la Grande Guerre, les régiments d’infanterie alpine portaient un pantalon garance. Tous deux sont coiffés du large béret ou « tarte », déjà en usage en 1891 mais officialisé en 1896. Celui des premiers est orné d’un cor de chasse, celui des autres d’une grenade enflammée.
Venons-en à l’alpenstock. Le site www.musee-infanterie.com nous apprend que dès leur création, les chasseurs alpins et les soldats de l’infanterie alpine se voient attribuer avec leur paquetage un bâton ferré ou alpenstock. Il était fabriqué localement, plus ou moins long, le règlement militaire « ne stipulant qu’une hauteur de canne à main ordinaire ». Le talon était ferré. Les essences dont il était issu étaient variables : hêtre, mais aussi frêne ou merisier (selon les sites consultés).
Cependant, le site de Léon Dubois sur labatailledefrance.webnode.fr précise que « bâton ferré » n’est pas synonyme d’alpenstock : « l’unique différence flagrante se situe au niveau de la poignée ; en effet, le bâton ferré a une poignée en forme de « bec », tandis que l’alpenstock a une poignée plus traditionnelle de forme arrondie ». Il ajoute que « l’extrémité de ces deux outils est constituée d’une ferrure formant une douille autour du bois se terminant par une pointe à quatre pans. »
Pourtant, sur les photos de chasseurs alpins comme sur celles des régiments d’infanterie alpine, on a bien l’impression qu’il s’agit toujours du même instrument, long et à poignée recourbée.
Reste à savoir quand l’alpenstock fut abandonné. Les sites consultés ne sont pas très affirmatifs sur ce point. Il est sûr qu’il était toujours en usage en 1938, comme en témoigne une photo. Quelqu’un saurait-il répondre à la question ?
Ajoutons pour finir que ce bâton est entré dans la littérature en 1829 sous la plume de l’Anglais Charles Joseph LA TROBE (1801-1875), auteur du récit de voyages « The Alpenstock, or sketches of Swiss scenary and manners ». Un autre Anglais, William SMITH, écrivit en 1864 « Adventures with my alpen-stock and carpet bag, or a three week’s trip to France and Switzerland ». Un autre encore, nommé William Henry RIDEING publia en 1881 « The Alpenstock : a book about the Alps and Alpine adventure ». Quant à Pierre M. GALLOIS, dans « Le Sablier du siècle, Mémoires » (L’Age d’homme, 1999), il dresse le portrait du général Ludy Piollet, sous lequel il servait en 1947, en indiquant que lui et ses camarades l’avaient surnommé « Alpenstock ». Enfin, en 2005, Rémi de VOS a aussi écrit « Alpenstock », pièce de théâtre burlesque présentée en 2008 à Toulouse puis à partir de l’année suivante sur différentes scènes parisiennes.
La photo illustrant cet article représente un chasseur alpin de la guerre de 1914-1918. Il tient un bel alpenstock.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
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