Nous avons déjà rencontré le « bâton à deux bouts » dans l’article sur Le jeu du bâton à Mazan, où il était enseigné à la fin du XVe siècle.
Il est cité également dans celui sur Les maîtres d’armes, en 1567 et 1644. Mais qu’était-ce au juste que ce « bâton à deux bouts », locution qui a tout l’air d’un pléonasme puisqu’on n’a jamais rencontré de bâtons à trois bouts, ou alors ce sont des fourches ou des tridents, et encore s’agit-il d’une division d’une de leurs extrémités.
En fait, il s’agit d’une locution abrégée, les bouts en question étant ceux qui ont une forme et une matière particulière.
L’Encyclopédie Diderot (XVIIIe siècle) définit ainsi les bâtons à deux bouts : « Ce sont de longs bâtons que les gardes des eaux et forêts et des parcs, etc., portent comme une marque de leur emploi, et dont ils se servent aussi comme d’une arme. » Voilà des précisions intéressantes sur un type de bâton devenu l’attribut d’un emploi particulier.
Mais on reste sur sa faim quant aux dimensions et matériaux desdits bâtons.
Le Dictionnaire de l’Académie française (1793) indique : « Sorte d’arme offensive, qui consiste en un grand bâton ferré par les deux bouts ».
Furetière, dans son Dictionnaire universel (1727) est plus précis : « On appelle bâton à deux bouts un bâton garni par les deux bouts de fers pointus. C’est une arme défensive et offensive, quand on la sait bien manier. »
Ce bâton comportait donc deux bouts ferrés et pointus. Et quelles étaient ses dimensions ?
Pour Richelet, dans le Dictionnaire français (1680) : « Bâton long de trois ou quatre pieds, ferré par les deux bouts. Jouer du bâton à deux bouts. » Donc, en gros, il s’agissait d’un bâton de 90 cm à 1,20 m.
Richelet encore apporte ces précisions intéressantes sur la manière de s’en servir, à l’entrée « Estramaçon » : « Terme des gens qui jouent du bâton à deux bouts. C’est la partie du bâton à deux bouts, qui est un bon pied au dessous de la pointe. Avec le bâton à deux bouts on peut faire le demi-moulinet pour se mettre en garde, et aux approches se servir de la pointe ou de l’estramaçon. » Un demi-pied au dessous de la pointe, c’est donc environ 30 cm. Le texte ne précise pas si cette partie se distinguait du reste du bâton par un accessoire, une teinte, un revêtement métallique ou autre. En revanche, le terme d’estramaçon revêt la même définition à propos du sabre : « la partie qui est environ un demi-pied au dessous de la pointe.
Enfin, Richard Seguin, dans son Essai sur l’histoire de l’industrie du Bocage en général et de la ville de Vire, sa capitale, en particulier (1810), rapporte que : « Les anciens Bocains se servaient aussi du bâton à deux bouts qu’ils faisaient tourner avec une vitesse surprenante. L’usage de se servir de cette arme, qui était très dangereuse, pouvait leur être venu des Bretons dont ils étaient voisins, et quelquefois sujets. On connaît le courage du fameux Folissoit, qui, à la bataille de Vire en 1450, se défendit si vaillamment avec cette arme, à la porte de cette ville, et qui ne put être vaincu qu’après qu’Olivier de Clisson le lui eût brisé dans les mains d’un coup de hache, avec une adresse qui tenait du prodige et un péril extrême de sa vie. »
Cet extrait confirme bien l’usage du bâton à deux bouts au XVe siècle mais indique une origine, ou du moins une pratique bretonne à cette arme, sur laquelle il serait intéressant de faire des recherches.
Questions aux lecteurs : connaissez-vous des musées ou collections publiques où sont visibles des bâtons à deux bouts ? Ou encore des représentations (peintures, gravures) ? Merci de votre contribution.
Merci à Laurent Bastard pour ce nouvel article.
Voici d’autres informations sur le bâton à deux bouts, extraites du Dictionnaire de Trévoux (1771), reproduit sur Wikisource.
« BATON A DEUX BOUTS. C’est un fût ou hampe de bois, ferré par les deux bouts, en pointe ; à quelques-uns même, le fer rentre dans la hampe par le moyen d’un ressort, et en sort lorsqu’on secoue le bâton un peu ferme. Le fût ou hampe est d’un brin de bois bien droit et bien uni, un peu plus pesant et plus grand que celui d’une pique.
Sa longueur est de six pieds et demi, entre les viroles qui accollent les deux pointes saillantes hors du bâton, de quatre pouces et demi.
Les gardes des forêts et des parcs s’en servent comme d’une arme. »
Les dimensions indiquées dans ce dictionnaire sont supérieures à celles de celui de Richelet (1680), qui mentionne 3 à 4 pieds (0,90 à 1,20 m) alors qu’ici, 6 pieds et demi représentent 1,95 m. Avec les viroles et les pointes, la longueur du bâton dépassait les 2 mètres.
Y aurait-il donc eu plusieurs sortes de bâtons à deux bouts ?
[...] archaïques mais qui existaient encore bel et bien. C’était le cas du bâton à deux bouts ( voir l’article) mais aussi du bâton brisé, du fléau ou martinet, du fléau à battre le grain et du fléau [...]
[...] l’article déjà ancien (25-09-2010) sur Le bâton à deux bouts, nous avions donné la définition de l’Encyclopédie Diderot au XVIIIe siècle : « Ce sont de [...]
Bonjour,
Vous trouverez dans cet ouvrage de Pasch paru en 1673 une description du bâton à deux bouts, et son «jeu».
Avec 6 1/2 pieds de hampe (211 cm) et deux fers de 4 1/2 pouces (12 cm X 2), l’arme fait une longueur totale de 235 cm. C’est plus long qu’une hallebarde réglementaire de la fin du XVIIe siècle jusqu’à 1767.
PASCH (Johann Georg), Deutliche Beschreibung unterschiedener Fahnen-Lectionen, in Acht Spiel
eingetheilet/ nebst dem Piquen-Speil/ Pertuisan und halben Piquen/ oder Jägerstock … // Description
distincte des diverses Leçons au drappeau (sic), divisées en huit jeux, ensuite de jeu de la pique, de la
Pertuisane et demy pique ou de baston à deux bouts…, Halle, Melchior Ölschlegel, 1673
http://diglib.hab.de/wdb.php?dir=drucke%2Fxb-4f-157