Un bâton sert à beaucoup de choses, y compris à voler dans les airs. Cet insolite moyen de locomotion est évoqué par le Dr Alain FOUQUET dans son ouvrage intitulé « Légendes, contes et chansons populaires du Morbihan » (Vannes, A. Cauderan, 1857, p. 143-145).
Il y rapporte l’une des légendes du pays, qui met en scène un fendeur de bois nommé Renaud, pauvre journalier de la Ville-au-Dy, en Malensac. Près de chez lui vivait un autre ouvrier, plus aisé, nommé Simon. Un jour, la femme de Renaud se rend chez sa voisine pour se plaindre de sa misère. L’autre lui dit que son mari détient un secret pour gagner de l’argent. Elle se fait un peu prier mais finit par le lui révéler :
« C’est avec les sorciers que mon homme gagne de l’argent. Tous les vendredis, la nuit, ent’e les deux chants du coq, i’va à l’assemblée des sorciers qui s’tient dans une grande pâture à genêts, et là, i’s'disent les uns les autres tous l’s'endroits où il y a d’largent caché ou perdu. Dans la s’maine, mon homme va déterrer l’argent dont il a appris la cachette, et aujourd’hui il est en Caden pour ça et ne reviendra que demain. »
La voisine explique ensuite à la femme de Renaud comment son mari s’y prend pour rencontrer les sorciers :
« Eh bien, tous les vendredis donc, mon homme prend son bâton d’genêt qu’est ensorcelé, i’monte dessus, et puis i’dit trois fois :
« Par dessus mare’ et buissons,
Dans la pâture où l’s aut’es sont… »
et son bâton l’emporte là ousque sont les sorciers.
- Oh ! mère Simon, si vous étiez une bonne femme, vous m’prêteriez vot’bâton de g’nêt rien qu’pour un jour ; c’est aujourd’hui vendredi, et puisque vot’e mari ne doit rentrer que d’main, i’n'saura pas ; (…) »
A force de câlineries et de prières, la femme de Renaud obtint enfin le bienheureux bâton, et, rentrée chez elle, elle le donna à son mari, qui, dans la nuit, monta dessus et partit.
Malheureusement pour lui, il avait mal répété les paroles que sa femme lui avait apprises, et il avait dit trois fois :
« A travers mar’ et buissons,
Dans la pâture où l’s aut’es sont… »
Et le bâton l’avait traîné dans toutes les mares, l’avait fait passer à travers les haies, et, quand il arriva enfin à la pâture, il était mouillé, crotté comme un barbet, meurtri et écorché comme saint Barthélémy. Pour comb’e de malheur, i’n trouva pas les sorciers au rendez-vous, car il avait perdu b’en du temps dans les accidents de la route, et comme on dit dans l’s Avents, les coqs avaient chanté b’en des fois pendant la course du pauv’e Renaud. »
C’est bien connu : un bâton n’obéit qu’à son maître, surtout quand il s’agit d’un bâton de sorcier…
La gravure représente « la profédez » (prophétesse), une sorcière bretonne, « espèce de fantôme, armé d’un long bâton de coudrier ». Elle illustre une nouvelle intitulée « La mariée de Moustoirac » publiée dans la revue « Le Musée des familles » d’avril 1847, p. 197.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
[...] distance, ou encore servir de moyen de locomotion si on le chevauche. On se reportera aux articles Le sorcier breton vole sur un bâton de genêt et Pas touche au bâton de [...]