L’écrivain régionaliste Joseph CRESSOT (1882-1954) est un peu oublié aujourd’hui. Pourtant, son livre « Le Pain au lièvre », paru en 1943 aux Editions Stock, est encore très agréable à lire. Il y évoque avec nostalgie son village natal de Chatoillenot en Haute-Marne. Parmi ses souvenirs, au chapitre « Jeux », il se remémore le plaisir pour un enfant de fabriquer une « canne merveilleuse » avec quatre fois rien.
« Que devenir en pâture entre deux haies, le long des chemins verts, au fond des friches, que devenir sans compagnon, sinon tirer son couteau et se défendre contre l’ennui ?
Choisis dans la cépée le plus beau brin de coudrier. Courbe-le de force, et contre la souche, fais glisser ta lame : d’un seul coup voici les fibres tranchées. Sors de ton buisson, élague quelques ramilles ; choisis la bonne longueur, pare les bouts. Quelle canne merveilleuse, souple et droite ! L’air fouetté gémit, et comme elles sautent, les têtes de chardon ! N’empêche que tu la laisseras bientôt, inconstant, si tu trouves plus belle quelque pousse de frêne vert, aux noeuds vigoureux, quelque genévrier rougeâtre, quelque aubépine dure et claire !
Quand les heures sont trop longues, fais-toi sculpteur et tailleur d’écorce. Découpe des anneaux, des spirales, des damiers. Trace et creuse de la pointe les lettres de ton nom. Si tu as éclaté quelque surgeon, cherche dans la crosse une rondeur douce à ta paume, découvre dans le bois déchiré la figure qui sera ce que tu voudras. Rivalise si tu l’oses avec le garde forestier qui enroule une vipère de chévrefeuille à son bâton d’érable. »
C’est du vécu et cela m’a rappelé à mon tour de bons souvenirs d’enfance…
Article rédigé par Laurent Bastard, merci