Dans l’un des dossiers sur saint Martin constitué vers 1960 par Roger LECOTTE, alors conservateur du musée du Compagnonnage de Tours, se trouve un conte rapporté par Charles JOISTEN (1936-1981). Ce dernier, ethnologue et folkloriste du monde rhodanien, a entendu en 1958 Mme Auguste DUIN, cultivatrice aux Mollettes (Savoie), âgée de 63 ans, lui conter un épisode amusant de la vie de saint Martin. Il est coutumier de le voir brandir son épée pour partager son manteau avec un pauvre transi de froid, mais là, il se sert d’un bâton pour lutter avec le diable :
« Le Diable, il voulait l’âme de saint Martin. Ils avaient fait un pari ; celui qui gagnerait le pari battrait l’autre. Alors saint Martin lui a dit :
- Je veux bien, mais nous nous battrons dans une cuve. On verra celui qui gagnera.
Et saint Martin a donné un grand bâton au Diable et lui en a pris un très court, une « tavelle ». Et puis, le Diable tapait, tapait partout ; mais ça faisait rien, ça faisait boum boum !
Et saint Martin, avec sa « tavelle », il tapait dur, il l’a tout meurtri. »
Ch. JOISTEN donne en note l’origine et la signification du mot « tavelle » : Cf CONSTANTIN et DESORMEAUX : Dictionnaire savoyard, Paris et Annecy, 1902, p. 391 : « Tavëla », s.f. (Chambéry) : bille de bois pour serrer les cordes. »
Nous avons déjà rencontré le mot « bille » au sens de bâton (voir l’article La bille est aussi un bâton) et dans l’article La canne supérieure au bâton, nous avons rapporté les propos de Lecour qui estimait qu’une canne permettait de vaincre plus facilement un adversaire muni d’un long bâton, qui le gêne davantage. Mais cela, le malin saint Martin (un soldat, rappelons-le) le savait déjà…
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Note technique : Précisons que la canne n’est pas « forcément » supérieure au bâton, en terme de combat. Certes l’utilisation de la canne (plus courte et souvent plus légère) peut permettre de réaliser des mouvements rapides mais il est avéré que le bâton le permet également (avec un bon entraînement !). La principale différence tient au fait que ces deux armes ont des tailles différentes et donc que la notion de distance est importante. Il n’y a pas de « querelle » entre les cannistes et les bâtonnistes au sujet de la supériorité de telle ou telle arme… seulement peut être un regret de la part des cannistes de ne pas avoir une arme assez longue pour toucher les bâtonnistes F.Morin