Le récit qui suit est l’inverse de celui qui a été publié le 20 mai 2011 sous le titre « Le bâton tueur du père déshonoré ». Là, c’est le fils qui frappe son père d’un coup de bâton.
Nous l’avons découvert dans un récit moral signé A. JADIN, intitulé « La substitution », paru dans le n° 2 du « Journal des enfants » de 1835, p. 20-25. En résumé, le vieux marquis de Belleville épouse sur le tard une jeune femme qui lui donne un fils. Il est prénommé Arthur. Mais la mère décède peu après. Le marquis décide d’atténuer son chagrin en voyageant et il confie son tout jeune garçon à des parents nourriciers, les Maclou, lesquels ont déjà un fils prénommé Jean. Durant l’absence du marquis, le jeune Arthur vient à décéder. Terrifiés, les Maclou décident alors de faire passer leur propre enfant pour le fils du marquis, pour ne pas à avoir l’informer de son deuil. A son retour, le marquis reprend son fils, puis décède à son tour. Le fils Maclou, âgé de douze ans, prend alors possession du domaine et, sans connaître sa véritable origine, agit en grandissant comme un tyranneau et se montre odieux aux villageois.
C’est alors que le vieux Maclou décide de le rencontrer pour lui apprendre sa véritable origine, mais l’entrevue tourne mal :
« Il y avait déjà longtemps que Maclou s’impatientait d’attendre, lorsqu’il aperçut au bout d’une allée M. le marquis qui s’avançait en frappant à grands coups de bâton sur tout ce qu’il rencontrait, renversant tout, brisant tout, et riant aux éclats lorsqu’il avait fait quelque bonne méchanceté. Il fut d’abord un peu intimidé ; mais, bien persuadé que la confidence qu’il allait faire serait fort agréable, il se remit ; et, lorsqu’il fut à portée, il se présenta devant le marquis, qui s’écria aussitôt : « Quel est ce malotru ? – C’est moi, Pierre Maclou, votre père… nourricier, monsieur le Marquis. – Et qui t’a permis, drôle, d’entrer dans mon parc ? Tu viens pour me voler de l’argent, comme tu en volais à mon père ! Va-t-en, ou je te fais jeter par-dessus les murs. – Nenni, monsieur le Marquis, je ne suis pas capable de vouloir vous voler votre argent, et je ne viens point vous en demander, quoique cependant… ; mais je voudrais seulement vous dire quelque chose qui, j’en suis sûr, vous sera bien agréable. – Et moi je ne veux pas t’écouter ; tu viens troubler ma promenade, et j’aurais déjà dû t’assommer. – Oh ! monsieur le Marquis, vous n’oseriez pas, si vous saviez qui je suis. – Je sais que tu es un impudent coquin que je vais corriger de la bonne façon. – Monsieur le Marquis, faites-y attention, vous vous en repentirez peut-être après. – Ah ! tu crois me faire peur, attends ; et en disant cela il s’avança vers lui le bâton levé.
- Malheureux ! s’écria Maclou, respecte ton père ! … – Mon père, toi, parce que ta femme a eu l’honneur de me nourrir ? Tiens, voilà comme je te respecte ; » et un violent coup de bâton vint tomber sur la tête de Maclou. – Misérable ! s’écria-t-il, en s’élançant sur son fils qu’il allait punir, si quatre laquais ne l’eussent retenu, oui, ton père, oui, ce sont les cheveux blancs de ton père que tu viens d’ensanglanter ; car apprends-le, tu n’es pas le fils du marquis ; son fils Arthur est mort, et, par ambition, je t’ai substitué à lui ; toi, tu n’es que Jean Maclou, le fils du malheureux que tu viens d’assassiner ! …
- Qu’on roue de coups cet impudent menteur, dit le marquis furieux, et qu’on le mette à la porte. Les laquais ne se le firent pas dire deux fois, et le pauvre père, meurtri, abîmé, ensanglanté, fut jeté à la porte du château, où il resta quelques instants sans connaissance. Lorsqu’il reprit ses sens, il se traîna jusqu’à sa chaumière, où il arriva exténué et en proie au plus violent chagrin. »
Heureusement il y a une justice et l’affaire se propage jusqu’aux héritiers du défunt marquis. Le père Maclou avoue la substitution, le fils usurpateur est déchu de son titre et chassé du village, tandis que son père est condamné à quelque temps de prison. Voilà ce qui en coûte, de frapper son père avec un bâton !
Article rédigé par Laurent Bastard, merci