L’écrivain et poète Louis MIRAULT (Cours-les-Barres (Cher), 1866 – La Charité-sur-Loire (Nièvre), 1938) a publié en 1931, dans son recueil de fables et poésies « Pour les Petits… et pour les Grands aussi », le poème intitulé « Le bâton de coudrier ». Il oppose l’humble bâton de noisetier à la canne plus élégante, comme l’avait fait en 1855 Victor DENIS, mais dans une autre optique, dans La fable des deux cannes. Il exprime surtout l’attachement que l’on éprouve pour le bâton qui a accompagné nos jours (voir aussi le poème de Bressier, de 1837 : Le bâton du vieillard).
LE BATON DE COUDRIER
Je l’avais un matin pris dans un noisetier
Agreste et vigoureux et sauvage à moitié ;
Comme il est ferme et souple et que, vieux patriarche,
J’y trouve un appui sûr pour ma tremblante marche,
J’ai fait de ce bâton
Mon meilleur compagnon.
Aux pavés inhabile,
Je ne l’emporte point quand je vais à la ville ;
Pour aller se risquer au milieu des autos,
Pour franchir les ruisseaux
Ou pour ne pas glisser sur des peaux de banane,
Je prends une autre canne,
Une canne banale achetée au hasard,
Dans quelque grand bazar,
Que sertit une bague
Ou quelque ornement vague.
Mais pour aller aux champs combien je te préfère,
Bâton de coudrier, tige simple et légère !
Partageant mon amour des simples ici-bas,
Dans les sentiers fleuris tu protèges mes pas,
Et nous allons tous deux cherchant si d’aventure
Sont nés des mots nouveaux pour fêter la nature…
De mes petits enfants
J’ai marqué tous les ans,
Ainsi qu’un boulanger qui coche sur ses tailles,
Sur le bâton fidèle et leurs noms et leurs tailles ;
Mais, polis sous mes doigts, les noms sont effacés
Et mes deux pauvres yeux ne sont plus clairs assez
Pour bien voir à coup sûr quel est le petit ange
Qui l’emporte sur tous dans ce grand livre étrange.
O vous, mes chers enfants, qui lisez ce récit,
Ecoutez bien ceci :
Quand sera terminée
Ma bien longue journée,
Quand le Maître divin qui fauche le roseau
Dira : ce front est las et propice au tombeau,
Couchez dans mon cercueil l’étrange et douce taille
Qu’elle me parle encore de ma douce marmaille !
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci