Cette image, extraite du Monde illustré du 25 juillet 1896, est devenue emblématique du voyageur à pied : un homme a posé son bâton sur son épaule et y a accroché un grand mouchoir où il a enfermé ses habits ou ses outils. On imagine ainsi le chemineau, le compagnon du tour de France, le voyageur pauvre qui ne peut payer sa course en voiture attelée ou en train.
En réalité, ce bâton utilitaire se révèle pour un marcheur plus une gêne qu’un avantage. Il importe d’abord de bien enfermer ses affaires dans le tissu pour qu’en marchand le ou les noeuds ne se défassent et que le contenu ne se répande. Il faut ensuite s’assurer que le sac ne glisse pas le long du bâton. Et puis, à la longue, si le sac est pesant, le bâton s’enfonce douloureusement sur l’épaule. Il se balance au gré des pas et déséquilibre le marcheur. Il ne laisse pas les mains libres. Le voyageur est enfin obligé de se munir d’un autre bâton et de le tenir dans son autre main s’il veut s’aider dans sa marche. Faites en l’expérience…
En fait, cette image populaire ne correspond guère à la réalité. Les récits des compagnons du tour de France font état au XIXe siècle de havresacs, sacs à bretelles qui laissent les mains libres, afin de tenir la canne ou le bâton de marche et s’aider durant des étapes qui ne pouvaient guère excéder 30 kilomètres. Le bâton porteur de sac (que, cependant, certains compagnons portaient parfois et nommaient poétiquement la « malle à quatre noeuds ») ne devait guère être employé que sur de courtes distances, pour se rendre au travail ou jusqu’à l’arrêt d’une voiture à cheval.
Cet article a été écrit par Laurent Bastard. Merci