Emmanuel COLLOMP était un compagnon cordier du Devoir, né à Comps (Var) en 1821. Reçu compagnon à Nantes en 1841 sous le nom de « L’Estimable le Provençal », il s’établit ensuite à Lorgues (Var). Républicain, il participa à l’insurrection de 1851 contre le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte et fut condamné à la déportation en Afrique, mais sa peine fut commuée un an plus tard en surveillance par la police. Elu municipal après 1870, il décéda à Lorgues en 1893.
Il est l’auteur de nombreuses chansons où il exalte le tour de France, la fraternité, le Devoir, etc. Il évoque souvent la canne, notamment dans sa chanson intitulée « Dernière volonté d’un compagnon », publiée en 1846 dans le « Nouveau chansonnier du Tour de France » (consultable sur Gallica). Voici le couplet où la canne fait l’objet des regrets du compagnon :
« O toi, ma canne, l’appui de mes vieux ans, / Depuis trente ans, tu suis partout mes traces ; / Te souviens-tu d’avoir dessus les champs / Pu disperser une troupe de lâches. / En ce temps-là mon bras était nerveux, / Et la portait avec toute assurance. / Avant que de m’éloigner de ces lieux, / Objet chéri, reçois le tendre adieu / Du Compagnon du tour de France. »
La canne est alors considérée comme une arme qui a « dispersé une troupe de lâches ».
Elle l’est encore dans la chanson intitulée « L’Esponton », c’est-à-dire le compagnon radié pour faute. Collomp y exprime les regrets du compagnon rejeté qui accepte sa peine :
« Adieu, adieu, canne charmante ; / Avec toi souvent j’ai chassé, / Dessus l’aimable Tour de France, / Ceux qui venaient pour m’oppresser. / J’ai su défendre avec courage / Contre l’ennemi ce beau nom / En récompense, je m’engage / Aujourd’hui à être fait esponton. »
Mais en 1867, lors de la nouvelle édition de son chansonnier, les moeurs sont devenues plus pacifiques et Collomp appelle désormais à la fraternité entre les compagnons. Il modifie donc son couplet en ces termes :
« Adieu couleurs, couleurs brillantes, / Votre éclat ne me frappe plus ; / Je ne vous verrai plus flottantes, / Car mon crime me rend confus ; / Et toi ma canne de voyage, / Objet chéri du compagnon ; / Malgré ta taille et mon courage, / Toi, tu seras l’appui de l’esponton. »
La canne offensive, qui chasse l’ennemi, est devenue une canne de voyage.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci