L’académicien Jean-François de La Harpe (1739-1803) n’a pas écrit des chefs-d’oeuvre impérissables. En 1778, il fit représenter sa tragédie intitulée « Les Barmécides », obscure histoire en vers qui se déroule en Orient. La pièce fut critiquée et l’on fabriqua même des cannes munies d’un sifflet pour faire du tapage au théâtre !
Voici ce que rapporte la baronne d’OBERKIRCH dans ses « Mémoires sur la cour de Louis XVI », publiées en 1854 (p. 62) :
« Pauvre M. de la Harpe ! Les épigrammes lui tombaient comme grêle dans tous les coins de Paris… Un jour, il était en carrosse de gala au bois de Boulogne avec deux dames de la cour, dont l’une était, je crois, la duchesse de Grammont (…)
Un quidam passait près de la voiture, qui marchait au pas, en criant : Qui veut m’acheter des cannes à la Barmécide ?
» – Des cannes à la Barmécide, monsieur de la Harpe, dit une de ces dames, cela vous regarde ; permettez-moi de vous en offrir une en mémoire de votre grand succès ».
M. de la Harpe regardait la représentation des Barmécides, cette tragédie de momies persanes, comme un succès. On appela le marchand ; il s’approcha près du carrosse et montra trois ou quatre bâtons noueux, surmontés d’une pomme d’ivoire ; c’était fort laid.
» – Quoi ! voilà vos Barmécides, reprirent ces dames ; pourquoi leur donner un pareil nom ?
- Vous allez voir, madame », poursuivit le marchand d’un air futé. Il démonta la pomme montée à vis et montra à la carrossée un gros sifflet caché sous l’ivoire. M. de la Harpe resta tout penaud ; mais ces dames eurent la cruauté d’éclater de rire. Que devint son visage ? Comme le disait M. de Beaumarchais : « Il aurait volontiers pleuré de la bile ! ».
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci