On trouve, dans le Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange, Charles Du Fresne (1610-1688), un nom qui mérite d’être noté : TINELLUS, traduit par TINEL (ou tineul), dont la définition est « gros bâton, espèce d’arme ».
On retrouve la confirmation de cette définition dans Le Glossaire de la Langue Romane de Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort contenant les étymologies de mots usités entre le 11ème et le 16ème siècle.
Ce qui nous intéresse ici, c’est le fait que des recherches sur l’utilisation du bâton dans cette période, doit absolument prendre en compte la langue utilisée alors.
Par exemple, je vous propose un court extrait de « Guillaume d’Orange , le marquis au court nez. Chanson de geste du XIIe siècle, mise en nouveau langage par le Dr. W. J. A. Jonckbloet – 1867″.
« Mais Renouard saisissant son tinel et le brandissant à deux mains, leur cria: Gloutons, je vous ai déjà soufferts trop longtemps! Tous se sauvèrent, et Renouard ne pouvant les suivre, donna un tel coup contre une colonne de marbre, qu’il la brisa et en fit voler les éclats au milieu de la salle.
— Ah! il vous fait fuir, s’écria Aymer, je le crois bien; car qui Diable pourrait parer un tel coup? Frère Guillaume, appréciez-le bien, et amenez-le avec nous en Aleschant; s’il s’attaque aux païens, il n’en fera pas mal mourir avec cette massue. »
On retrouve ce Renouard dans différentes chansons de gestes, toujours un bâton à la main (Maistre Pierre Patelin : texte revu sur les manuscrits et les plus anciennes éditions, avec une introduction et des notes / par F. Génin). Voici l’extrait :
Il s’en escrime si bien que de ce tinel, c’est-à-dire de cette massue, lui est demeuré le sobriquet de Renouard
au Tinel. Ce personnage jouissait sans doute, grâce aux récits des jongleurs, d’une grande célébrité parmi le
peuple, et Patelin , feignant de prendre le drapier Guillaume Jousseaume pour Renouart
au Tinel, devait
exciter l’hilarité de l’auditoire; mais cette plaisanterie ne pouvait avoir de succès qu’à l’époque où le roman était populaire et chanté encore dans les rues. Elle serait incomprise aujourd’hui, et l’eût été déjà à la fin du
xve siècle, où l’on veut placer la composition de cette farce : la preuve en est que la plupart des éditeurs ont estropié ce vers, mettant Renouart ostiné, autiné, outiné, etc… ».
La piste se trace un peu plus, lorsqu’en suivant Renouart au Tinel (ici écrit Rinoard) on le trouve dans Le PARADIS de Dante (chant numéro 18 v. 16) à côté de Guillaume d’Orange (tiens tiens) et Godefroy de Bouillon.
Poscia trace Guglielmo, e Rinoardo,
E’l duca Gottifredi la mia vista,
Per quella Groce, e Roberto Guiscardo
passage traduit ainsi par Louis Rastibonne :
« Où Guillaume a brillé, Rinoard étincelle,
Et Godeffroy le duc, à la voix qui l’appelle
Traverse aussi la Croix avec Robert Guiscard. »
FM