Les ouvrages sur les rites, symboles et accessoires rituels de la Franc-maçonnerie ne manquent pas mais il est assez peu fait allusion à l’emploi de la canne. Il s’agit d’un objet tenu par l’officier (celui qui remplit un office, une fonction) nommé « maître des cérémonies ».
Irène MAINGUY, dans son livre sur « La Symbolique maçonnique du troisième millénaire » (Dervy, 2001, p. 359-360) écrit à ce propos : « Le Maître des Cérémonies siège devant le Trésorier en tête de la colonne (la rangée) du midi, face au nord et à l’Expert. Il est chargé de la réception des visiteurs et annonce les dignitaires maçonniques qu’il introduit avec solennité dans le temple portant toujours sa canne. »
Il s’agit donc d’une canne d’apparat, analogue à celle du suisse, qui se déplace dans l’église pour y placer les fidèles ou précéder les entrées et sorties des ministres du culte.
Contrairement à ce que certains auteurs ont écrit, ce type de canne n’a aucun rapport avec celle des compagnons du tour de France, dont elle n’est pas issue. Cette dernière est une canne de marche servant occasionnellement à l’exercice de certains rites, mais elle n’est pas originellement une canne de cérémonie mais de marche. De plus, si elle est attestée de longue date (1650) dans sa double fonction au sein des compagnonnages, la canne n’est pas signalée dans les plus anciens documents maçonniques.
La fonction de maître des cérémonies n’est pas toujours très bien définie et sa canne ne paraît pas avoir été utilisée jusqu’à la fin du XIXe siècle pour l’accomplissement d’un rite particulier. C’était plutôt l’insigne de la fonction de celui qui la tenait et qui se déplaçait dans la loge.
La rareté des mentions de la canne dans la plupart des rituels et autres documents au XVIIIe et XIXe siècles ne signifie pas qu’elle était inusitée, mais cela atteste que son emploi n’était pas codifié. Le maître des cérémonies portait une canne parce que c’était l’attribut normal de sa fonction, sans qu’il y ait besoin de le spécifier.
Cependant, il en existe quelques mentions éparses.
Ainsi, en 1788, est publié un « Recueil des trois premiers grades de la Maçonnerie, apprenti, compagnon, maître, au rite français » (réédité en 2001 aux Editions A l’Orient). Son auteur anonyme signale que le Maître des cérémonies est décoré d’un cordon bleu porté en sautoir, au bas duquel pend un bijou, insigne de sa fonction, à savoir « le bâton de son office ». C’est donc bien qu’il tenait une canne en main lors de ses déplacements.
Autre mention dans le livre « La Franc-maçonnerie dans sa véritable signification, ou son organisation, son but et son histoire », par Eduard Emil ECKERT, avocat à Dresde, traduit de l’allemand et publié à Liège en 1854 (consultable sur Google. books). Il y est écrit (p. 354) que ce sont les Experts qui « portent pour marque distinctive de leur office une canne en ébène à pomme d’ivoire » et plus loin (p. 356) que « les maîtres des cérémonies ont en main, pour marque distinctive, un bâton azuré et or ». Le fait que les Experts et les Maîtres de cérémonies portent à cette époque, tous deux, une canne, était peut-être une spécificité de la franc-maçonnerie allemande, dont les rites n’étaient pas tout à fait les mêmes que ceux des autres maçonneries des divers Etats où elle était implantée.
Autre mention par F.T.B. CLAVEL, dont le livre « Histoire de la Franc-maçonnerie pittoresque » publié en 1843 décrit les attributs des différents officiers d’une loge (p. 6) et indique : « Les experts portent une épée, le maître des cérémonies une canne ». Il ne signale pas l’emploi de celle-ci lors de rites particuliers.
Clavel note aussi que « les diacres (portent) un long bâton blanc ». Les diacres étaient des officiers chargés de transmettre les ordres du Vénérable (président) de la loge aux autres officiers, d’introduire les membres visiteurs, d’accompagner les candidats à la réception. En somme, leur fonction était analogue à celle du maître des cérémonies. Leur office s’est peu à peu effacé au profit de ce dernier mais, selon Irène Mainguy, il subsiste dans le Rite anglais dit Emulation.
Le livre précité de 1788 (Recueil des trois premiers grades) mentionne aussi les diacres mais les désigne sous le nom de « stuarts », corruption de l’anglais « stewards », qui signifie « majordomes ». Il précise que : « ils portent à la main, le premier, un bâton de six pieds, surmonté d’un soleil d’or ; le second, un bâton pareil, surmonté d’une lune. » La longueur de leur bâton avoisinait donc 1,80 m.
Ni les diacres ni le maître des cérémonies ne paraissent avoir utilisé leur canne à l’exercice de rites avant le XXe siècle. C’est du moins ce qui ressort des différents ouvrages consultés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et Irène Mainguy note que le maître des cérémonies »porte en sautoir deux glaives entrecroisés avec au centre une canne, rappelant qu’elle peut former un triangle lorsqu’elle est croisée avec l’épée de l’Expert lors des invocations d’ouverture et de clôture des travaux au Rite écossais ancien et accepté. Cette canne devrait être en ébène et garnie d’ivoire, c’est-à-dire en matière noble et vivante croisant le métal de l’épée, au moment où le Maître des Cérémonies constitue un triangle ouvert avec l’Expert. » (p. 360).
Ce rite est mentionné par Luc NEFONTAINE dans « La Franc-maçonnerie » (Ed. du Cerf, 1990, p. 79-80) en ces termes : « Le frère expert et le maître des cérémonies se font face, tiennent respectivement du bras tendu, l’épée et la canne d’ébène, qu’ils croisent en équerre au-dessus des trois grandes Lumières (le volume de la loi sacrée, l’équerre et le compas) ».
L’illustration représente les insignes de maîtres des cérémonies. Elle est issue d’un petit ouvrage de divulgation antimaçonnique de 1911, le « Manuel antimaçonnique », par l’abbé J. Tourmentin, p. 72.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
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