En décembre 1896 un rassemblement fut organisé à Paris, sur la place de l’Hôtel de Ville et un cortège des représentants des sociétés, associations, compagnonnages, écoles, etc., se forma pour se rejoindre le lieu de leur présentation au président de la République Félix Faure.
Celui-ci rendit visite à toutes les sociétés et la suite est narrée par le journal « L’Union Compagnonnique » du 21 décembre 1896 :
« Il commence sa visite par les enfants des écoles, puis par les sociétés ; prenant la nôtre pour des Francs-Maçons, il demande à quelle loge nous appartenons ; je lui réponds : « Monsieur le Président, nous sommes des Compagnons du Tour de France » et lui adresse l’allocution suivante (…).
Il nous félicite et me serre affectueusement la main, puis il demande à plusieurs compagnons à quelle corporation ils appartiennent. « Et pourquoi ils ne portent pas la canne ? ». Il lui est répondu que pour la circonstance on n’avait pas jugé à propos de la prendre. Il nous a engagés alors à la porter en toutes circonstances ; il salue et continue sa visite. »
L’anecdote est intéressante car elle montre qu’à la fin du XIXe siècle, l’image du compagnon était celle d’un homme portant une canne ; c’était l’un de ses attributs identiitaires.
On mesurera aussi l’évolution considérable du regard des autorités envers les compagnons au cours du XIXe siècle. Alors que jusque dans les années 1860, la police et les maires leur interdisait de porter leur canne lors des cortèges ou cérémonies funéraires, de crainte qu’elle ne se transforme en arme au cours d’une rixe avec des sociétés ennemies, en 1896 c’est le président de la République lui-même qui les enjoint à porter la canne « en toutes circonstances ».
On notera enfin que les compagnons qui ne portaient pas de canne étaient ceux qui avaient rejoint depuis 1889 l’Union Compagnonnique, mouvement qui se voulait progressiste et qui était peu attaché au port des emblèmes traditionnels des compagnons. Ceux du courant adverse, les tenants du Ralliement des compagnons restés fidèles au Devoir, tirèrent argument de cette anecdote et le firent savoir dans le journal « Le Ralliement » du 10 janvier 1897 : « Que direz-vous de cette leçon donnée par le Président de la République, lui, l’ancien ouvrier tanneur et corroyeur de Monsieur Dumée, d’Amboise, chez lequel il a connu des compagnons de sa corporation, qui trouve qu’il n’est pas déshonorant de porter ces insignes acquis par le travail, la conduite et le talent et que vous répudiez avec votre orgueil insensé ? »
Au fil des ans, les compagnons de l’Union Compagnonnique évoluèrent et de nos jours il n’en est pas un qui ne porte sa canne lors des manifestations publiques.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
À propos de Félix Faure et des compagnons.
Le drapeau des compagnons boulangers du Devoir de la Cayenne de Tours fut spécialement confectionné pour la venue du président de la République Félix Faure, à Tours, le 25 mai 1896. Le 17 mai 1896, lors de la fête de la Saint Honore, une délégation des Compagnons boulangers, arborant leurs cannes et leurs couleurs sont reçus par Monsieur le préfet. C’est lors de cet entretien des plus cordials, que celui-ci invite les compagnons boulangers du Devoir à prendre part le lundi suivant, au bon déroulement de la venue du président de la République.
Comment ?
En étant tout simplement parmi toutes les associations tourangelles qui lui seront présentées. De retour chez la mere, la délégation informa l’ensemble des compagnons boulangers de cette invitation du préfet. Dans la minute qui suivit, le rouleur ordonna une assemblée générale immédiate, et à cette réunion, il fit decidé dans un premier temps à participer à cette festivité et dans un deuxième temps de faire confectionner pour l’occasion un drapeau tricolore, drapeau que nous pouvons observer aujourd’hui, au Musée du Compagnonnage de Tours.
Picard la fidelite.