Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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« DONNER DES VERGES POUR SE FAIRE BATTRE »

Le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales nous renseigne sur le sens de l’expression : une verge est une baguette de bois, longue et flexible. Elle servait à frapper, à corriger, à infliger une puntion corporelle. Au pluriel : poignée de baguettes flexibles servant à cet usage.
Suit une citation issue des « Propos » d’ALAIN (1921) : « Dans les livres d’images qui ont amusé mes premières années, on voyait passer le père Fouettard avec son paquet de verges sous le bras ; mais ce n’était à mes yeux qu’une métaphore (…) Jamais je déliai ma pensée en ce paquet de verges ; jamais je n’en tirai quelque baguette d’osier assouplie par l’eau, propre à couper du premier coup la peau délicate d’un enfant. »

Quant à l’expression « Donner, payer des verges pour se faire fouetter, pour se faire battre », elle signifie « fournir à l’adversaire des arguments, des armes contre soi-même ».

Le roman de l’écrivain anglais John Frederick SMITH (1806-1890), « L’Héritage », fut traduit et publié en feuilleton dans le « Journal pour tous » à partir du 19 septembre 1857. Dans la livraison du 10 octobre, on découvre un passage qui illustre admirablement bien l’expression « donner des verges pour se faire battre ». Sauf qu’ici, ce n’est pas une expression et le greffier malhonnête Amen Corner en fait les frais sous la main de son beau-frère Georges Chason, qui a été spolié par sa faute :

« Ils marchèrent quelque temps sans mot dire, jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à une sorte de vallon entouré d’arbres de toutes parts. Là, Georges s’arrêta et regarda autour de lui.
« Que je me rappelle bien cet endroit ! dit-il. C’est ici que je vis pour la première fois mon cher jeune maître, Walter Herbert. J’étais en train de me couper un bâton, à peu près tel que celui-ci, ajouta-t-il en montrant une jeune tige qui paraissait fort souple.
- Voulez-vous que je vous le coupe, Georges ? demanda le greffier.
- Je vous remercie. »

Amen ouvrit son couteau et se mit à tailler le bâton.
« Je crains de vous donner beaucoup de peine, dit Georges, le regardant avec un sourire amer.
- Du tout, c’est un plaisir, répliqua le greffier. Tenez, le voici.
Et il remit le bâton aux mains de son compagnon, qui lui demanda s’il se doutait pourquoi il avait pris le chemin du bois au lieu du sentier.
« Non.
- Je vais vous le dire, alors ! s’écria le jeune homme en le saisissant au collet. C’est pour punir votre brutalité. J’aurais pu vous pardonner le vol des lettres, votre fausseté et votre perfidie, mais non votre cruauté pour ma pauvre soeur et pour le faible enfant. »

Et sa main s’abaissa, et avec elle le bâton qu’Amen avait coupé pour son propre châtiment. Il n’eût pu mieux choisir, car la jeune tige pliait comme pour étreindre ses membres ; on eût dit qu’elle prenait plaisir à sa tâche. Le poltron rugissait de douleur et se tordait comme un serpent blessé.
Georges Chason ne s’empressa pas de céder aux abjectes supplications de son beau-frère demandant miséricorde ; et lorsqu’il y céda enfin, ce fut avec un sentiment de mépris, non de pitié.

« Vous savez, à présent, à votre tour, dit-il, ce que c’est que d’être battu comme un chien ; mais mes coups ne sont tombés que sur votre vil corps, tandis que les vôtres ont frappé au coeur Marthe et le pauvre Dick. Allez, et que le passé vous enseigne la prudence ; rien ne pourrait vous apprendre la justice et la miséricorde. »

La gravure illustrant cet article représente une agression à coups de bâton ; elle est extraite du Journal du Dimanche, 25 décembre 1875, p. 409.

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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