Telle est la question que se sont posés les juges et les juristes qui ont eu à interpréter les lois et à prononcer des peines. Et il faut reconnaître que la réponse n’est pas aisée. Voici, par exemple, en Belgique, les réflexions de C. DE BOUKERE et de F. TIELMANS dans leur « Répertoire de l’administration et du droit administratif de la Belgique », tome 3, Bruxelles (1836), découvertes via Google.livres.
« BATON. Dans une foule de cas, la loi range les bâtons sur la même ligne que les armes ; néanmoins les cannes simples ne sont réputées armes qu’autant qu’il en est fait usage pour tuer ou blesser (Art. 101 du code pénal).
La loi du 2-3 juin 1790 avait défendu à tous citoyens de porter aucune espèce d’armes ni bâtons, dans les assemblées primaires et électorales. En général les lois d’élections postérieures n’ont pas renouvelé cette défense ; on la retrouve cependant et dans celle du 3 mars 1831 pour la formation de la chambre des représentants et du sénat (art. 22) et dans la loi provinciale du 31 avril 1836 (art. 15). Au reste comme toutes les lois de ce genre attribuent la police des assemblées électorales à leur président, celui-ci est toujours en droit de défendre qu’on s’y présente avec des armes ou des bâtons.
L’usage des bâtons « ferrés » ou « plombés » est extrêmement commun en Belgique et produit souvent dans les fêtes communales des accidents que l’autorité doit prévenir.
On a tenté à diverses époques d’abolir cet usage : sous le gouvernement français, plusieurs préfets, et notamment celui du département de l’Ourte, ont prohibé non seulement les bâtons ferrés et plombés, mais encore les bâtons à massue, qui se terminent par un gros bout, et dont le coup est capable de produire les mêmes effets que celui des bâtons ferrés.
Aujourd’hui encore les tribunaux correctionnels et les cours d’assises témoignent des accidents et des crimes nombreux, auxquels ce genre de bâtons peut donner lieu dans les communes rurales, surtout à l’époque des fêtes. La cause en est peut-être aux vices de la législation, vices qu’il importe par conséquent de signaler ici.
Il paraît qu’un arrêté du comité de salut public, en date du 11 brumaire an IV, avait positivement prohibé la vente et le port des cannes à sabre, épée ou poignard, et des bâtons ferrés ou plombés. Il paraît même que cet arrêté a été publié le 26 du même mois dans les neuf départements réunis de la Belgique. C’est ce qui résulte du moins d’un arrêté rendu le 21 vendémiaire an 10 par le préfet du département de l’Ourte (Mémorial, t. 1, p. 124) ; mais nos recherches ont été infructueuses pour découvrir quelque trace, soit de l’arrêté même du 11 brumaire an 4, soit de la publication qu’il aurait reçu dans nos provinces.
D’un autre côté, l’ancienne déclaration du 23 mars 1728 sur les armes offensives, cachées ou secrètes, déclaration que le décret impérial du 12 mars 1806 a rendu applicable à notre pays, ne prohibe que les « épées en bâton » et les « bâtons à ferrements autres que ceux qui sont ferrés par le bout » ; de telle sorte que les bâtons, ferrés par un bout seulement, ne furent point compris dans la prohibition. Dès lors il est devenu sinon impossible, au moins difficile de mettre en contravention ceux qui se montrent en public avec des cannes dont le bout était plus ou moins pesamment ferré, et l’autorité s’est vue dans l’obligation de fermer les yeux, faute de trouver dans la loi un texte assez précis pour hasarder des poursuites.
Enfin, le port d’armes offensives, ayant été réglé par la déclaration de 1728, qui a force de loi en Belgique comme en France, les autorités communales ont jugé avec raison qu’il leur appartenait dès lors de soumettre cette matière à des règlements locaux.
Telles sont, à notre avis, les causes qui jusqu’à présent ont fait obstacle à l’abolition d’un usage dont on a eu si souvent à déplorer les effets. »
Article rédigé par Laurent Bastard, merci