Le musée du Prado conserve un très beau tableau de Raphaël intitulé « La Sainte famille à l’agneau » (1507). On y voit Marie, l’enfant Jésus sur un agneau et saint Joseph appuyé sur un bâton.

Si l’on s’attarde sur la partie droite de cette petite oeuvre (21 x 29 cm), quelque chose ne paraît pas « normal » : la partie supérieure du bâton, posée sur l’épaule de saint Joseph, ne semble pas dans la continuité de la partie inférieure. Entre les deux, le bâton est caché par les mains du saint.
J’ai aussitôt pensé à une illusion d’optique. En effet, si vous tracez une ligne oblique, que vous l’interrompez par deux autres lignes parallèles et verticales, puis que vous doublez la ligne du bas avec une seconde ligne, tracée parallèlement, très près d’elle, vous aurez l’illusion que c’est celle-ci qui se prolonge au delà des lignes verticales, alors que c’est le contraire (voir le croquis où la ligne ab est droite).

Revenons au tableau. Eh bien non ! règle en main, si l’on suit les deux côtés du bâton de saint Joseph de haut en bas, on constate qu’il n’y a pas d’illusion d’optique et que les lignes ne sont vraiment pas dans le prolongement les unes des autres, au-delà des mains. Le décrochement est très léger mais réel.
Il existe une copie de ce tableau au musée des Beaux-Arts d’Angers, due à un peintre de l’école de Raphaël, qui date de la même époque. Sur cette oeuvre-là, les deux lignes du bâton sont bien alignées.

Raphaël aurait-il commis cette « erreur » volontairement, et pourquoi ? Peut-on penser que le tableau a fait l’objet d’une restauration maladroite depuis 500 ans ? Ce (tout petit) mystère reste entier…

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci