C’est dans le magazine « Lectures pour tous » de décembre 1901 que figure un article intitulé « La légende comique et fantastique du Diable ». On y lit notamment, p. 211-212, l’Histoire de la baguette enchantée.
« Il était une fois un pauvre homme et une vieille femme qui ne possédaient pas un sou vaillant. Ils avaient fait construire une maison, mais n’avaient pas de quoi la payer. Le Diable vint frapper à leur porte.
« Je vais te tirer d’affaire, dit-il à l’homme, si tu promets de me donner dans vingt ans ce que ta femme portera sur ses bras l’an prochain. »
Le pauvre homme reçut l’argent et signa l’engagement. L’année d’après, sa femme portait sur ses bras un garçon nouveau-né. Quel fut leur désespoir quand ils se rappelèrent le marché conclu ! Ils vécurent vingt années de tristesses et de douleurs. Lorsque le fils eut dix-neuf ans, il fallut bien leur avouer toute la vérité.
« Qu’est-ce que cela ? dit-il. Je n’ai pas peur du diable ; dès demain j’irai le trouver.
« Le lendemain, en effet, il se mit en route. Traversant une forêt, il entendit la voix d’une fée qui l’appelait : « Voici une baguette enchantée, lui dit-elle, au moyen de laquelle tu pourras faire tout ce que tu voudras. »
Il arriva chez le diable.
« Ah ! te voilà, mon garçon, ricana celui-ci ; je cirais mes bottes pour aller te chercher.
-Oui, me voilà, mais que vas-tu me donner à faire ? Je n’aime pas rester les bras croisés comme un fainéant.
- Tu iras couper le bois, dit le diable, et tu me feras de la charbonnette. »
Le diable parti, le jeune homme donna un coup de baguette et toute la forêt tomba par terre. Un second coup de baguette, et tout le bois fut en charbon. Puis il rentra et mangea comme un ogre.
« Tu vas me ruiner, malheureux, avec un appétit pareil.
- Si tu n’es pas content, rends-moi la signature de mon père, et je m’en irai. En attendant, donne-moi de l’ouvrage, je n’ai pas peur du travail.
- J’ai deux étangs, dit le diable : dans l’un, il y a du poisson, dans l’autre il n’y a que de la boue. Tu mettras le deuxième à sec. »
Le jeune homme, arrivé aux étangs, ne manqua pas de donner un coup de baguette dans l’étang où nageaient les poissons. Instantanément l’étang fut vidé, et les poissons transportés dans l’étang de boue n’y vécurent que de brèves minutes.
Quand le diable vit tout ce bel ouvrage, ses bois rasés et calcinés, son étang complétement à sec et tous ses poissons morts, il entra dans une colère épouvantable, rendit au fils le papier paternel et le pria d’aller sans retard exercer sa malfaisance ailleurs, ce que l’autre ne se fit pas répéter deux fois, comme bien l’on pense. »
Les contes où le diable est berné par plus malin que lui ou parce qu’il est aidé par un personnage bénéfique (fée, lutin) sont très nombreux dans la mythologie européenne. Les frères Grimm ont rapporté de semblables contes et l’on connaît aussi des histoires de ponts construits avec l’aide du diable (dont le pont Valentré à Cahors), qui doit se contenter en échange d’un animal au lieu d’un homme.
Sur la baguette des fées, voir aussi les articles : Béranger, la fée et sa baguette et La baguette de la magicienne Serene.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci