Grands et obscurs auteurs, poètes et compagnons, ont versifié à propos de leur canne au XIXe siècle. Voici encore un témoignage de cet intérêt pour un objet choyé, dû à Charles CHARTON (1800-1876). Fonctionnaire à la préfecture d’Epinal, membre de la Société d’Emulation du département des Vosges, il a publié ce poème dans les Annales de cette société savante, tome XIV, 1er cahier, p. 312-313 (Epinal, 1871).
« A MA CANNE
Viens, mon appui, ma bonne canne,
Avec toi je pourrai marcher,
Et là-bas le sot qui ricane
Ne me verra pas trébucher.
Sur mes jambes je suis solide
Grâce à la vigueur de ton bois,
Si bien que je me crois valide
Comme je l’étais autrefois.
Mais pour épargner ma chaussure
Et pour mieux affermir mes pas,
Choisissons une route sûre,
Où le caillou n’abonde pas.
Et, pour que mon esprit conserve
Tout le charme de la gaieté,
Prions le ciel qu’il nous préserve
Des frondes d’hiver, des feux d’été ;
Qu’il nous sauve aussi de l’approche
De l’envieux et du pervers,
Dont le coeur plus dur que la roche
N’aime que douleurs et revers ;
Qu’il chasse enfin le faux bonhomme
Au ton perfide et doucereux,
Que sa déloyauté renomme,
Que son contact rend dangereux.
Car ces gens-là, je les redoute
Plus que le fat qui se grandit,
Que le philosophe qui doute,
Que le pédant qui se raidit. »
On remarquera que l’auteur dévie quelque peu de son sujet, puisqu’à partir du treizième vers, ce n’est pas à sa canne mais au ciel qu’il fait confiance pour écarter les hommes méchants.
L’illustration est un détail d’une gravure parue dans le « Journal pour tous » du 24 octobre 1857.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci