Le dominicain, théologien et philosophe ALBERT LE GRAND (1193- vers 1280) écrivit une somme de recettes de chimie, alchimie, médecine, magie, mêlées d’histoire naturelle et d’extraits d’auteurs antiques. Au XVIIe siècle, une partie de ses écrits, auxquels s’ajoutèrent des recettes postérieures, parurent sous le nom des « Admirables secrets d’Albert le Grand », bientôt suivis des « Secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique du Petit Albert ».
Ces ouvrages, qui connurent un immense succès dans les campagnes, circulèrent à des milliers d’exemplaires et étaient vendus par des colporteurs. Jusqu’au début du XXe siècle, beaucoup de gens conservaient encore comme un trésor maudit leur « Grand Albert », censé leur permettre de retrouver la santé, reconquérir leur femme, se faire aimer d’une étrangère, etc. C’était le manuel des sorciers et jeteurs de sorts.
S’adressant aux hommes d’autrefois, en un temps où l’on se déplaçait à pied par économie ou faute de mieux, le Petit Albert renferme l’étonnant « Secret du bon voyageur » que voici :
« Vous cueillerez, le lendemain de la Toussaint, une forte branche de sureau, dont vous ferez un bâton que vous approprierez à votre mode. Vous le creuserez en ôtant la moelle qui est dedans et, après avoir garni le bout d’en bas d’une virole de fer, vous mettrez au fond du bâton les deux yeux d’un jeune loup, la langue et le coeur d’un chien, trois lézards verts, trois coeurs d’hirondelles, et que tout cela soit séché au soleil entre deux papiers, les ayant auparavant saupoudrés de fine poudre de salpêtre. Et vous mettrez, par-dessus tout cela, dans le bâton, sept feuilles de verveine, cueillies la veille de la Saint-Jean-Baptiste, avec une pierre de diverses couleurs, que vous trouverez dans le nid de la huppe. Et vous boucherez le haut du bâton avec une pomme de buis, ou telle autre matière que vous voudrez et soyez assurés que ce bâton vous garantira des périls et incommodités qui ne surviennent que trop ordinairement aux voyageurs, soit de la part des brigands, des bêtes féroces, chiens enragés et bêtes venimeuses. Il vous procurera aussi la bienveillance de ceux chez qui vous logerez. »
Bon, tout cela demande un peu de préparation, mais en s’y prenant à l’avance vous arriverez peut-être à partir en randonnée l’été prochain, avec en main ce merveilleux bâton…
Ce texte et la couverture sont extraits de la réédition de 1965 au Nouvel Office d’Edition.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci