Il existe de nombreux épisodes dans la Bible et les textes légendaires où il est question du bâton de Moïse et de ses propriétés extraordinaires, issues de son origine même.
Nous l’avons déjà évoqué sur ce blog (voir l’article La puissance du bâton de Moïse).

Voici à présent une légende où il est question de ce bâton, employé cette fois comme une arme contre un géant.

Il est issu de la « Chronique de Tabari ». Ce livre raconte l’histoire des prophètes et des rois, depuis la création du monde jusqu’à la naissance de Mahomet, puis durant les trois premiers siècles de l’hégire. Son auteur est « Abou-Djafar Mohammed, fils de Djarir, fils d’Yezid, surnommé Tabari, c’est-à-dire naturel de Tabaristan, né à Amol l’an de l’hégire 224 (838-839 de J.C.) » selon Louis Dubeux, le premier traducteur français de son œuvre. Ce dernier nous apprend aussi qu’il fut maître en théologie, jurisprudence, belles-lettres et histoire. Il enseigna à Bagdad durant quarante ans et mourut l’an 310 de l’hégire (822-923 de J.C.).

Louis DUBEUX publia la traduction à Paris en 1836 sous le titre « Chronique d’Abou-Djafar Mohammed Tabari, fils de Djarir, fils d’Yezid, sur la version persane d’Abou-Ali Mohammed Belami, fils d’Abd-Allah, d’après les manuscrits de la bibliothèque du roi ». L’épisode de Moïse figure au chapitre XIV intitulé « Réponse à la question que l’on adressa à Mahomet au sujet de l’homme qui voulut devenir l’égal de Dieu, et qui construisit un paradis », page 49.

Moïse conduit les Hébreux hors d’Egypte mais il rencontre un géant immense nommé Og : « sa tête touchait les nuages ; il était si long qu’il baissait la main, tirait un poisson de la mer, l’élevait vers le disque du soleil jusqu’à ce qu’il fût rôti, et le mangeait ensuite ». Il vécut 3600 ans. Il s’opposa au passage de Moïse et de son armée en plaçant sur sa tête une montagne, menaçant de la jeter sur eux.

« Le Dieu très-haut donna ordre à un oiseau de se placer sur le sommet de cette montagne, et d’y faire un trou avec son bec, afin qu’elle tombât comme un collier sur le cou du géant. Og demeura stupéfait de cela, et ce fut parce que cette montagne tomba sur son cou, qu’on le nomma Og ben-Onk, c’est-à-dire Og au cou.
Gabriel (que la paix soit sur lui !) vint ensuite vers Moïse, il lui apprit cet évènement et lui dit : Va combattre Og ben-Onk, va, car tu remporteras la victoire sur lui, et tu le tueras.
Moïse (que la paix soit sur lui !) prit son bâton et partit. Lorsqu’il fut arrivé près d’Og, il le trouva dans l’état que nous avons décrit, et doué de sa haute stature et de sa force extraordinaire.
On rapporte que le bâton de Moïse avait dix coudées de hauteur [environ 5 mètres]. La taille de Moïse (que la paix soit sur lui !) était de dix coudées ; il sauta à vingt coudées de terre, et lança son bâton qui atteignit le talon d’Og ben-Onk. Or le bâton de Moïse était extrêmement lourd, et les prophètes étaient forts. Lorsque Moïse (que la paix soit sur lui !) lança son bâton, Og ben-Onk tomba par suite de la fatigue que lui causait la montagne. »

Quel incroyable récit ! Tout comme autour des textes sacrés judaïques et chrétiens, se greffèrent autour du Coran toutes sortes de textes apocryphes et légendaires, plus ou moins validés ou au contraire rejetés par les autorités religieuses et docteurs de la loi.
On ne manquera pas de faire le parallèle entre la percussion du bâton sur le talon du géant et l’atteinte du talon d’Achille par la flèche décochée par Pâris. D’autres héros ont un point faible venant de ce qu’ils n’ont pu être entièrement recouverts d’un liquide protecteur : Achille, dans le Styx, parce que sa mère le tenait par le talon, Siegfried parce qu’une feuille de tilleul tomba entre ses omoplates lorsqu’il fut baigné dans le sang du dragon, ou encore Soslan, héros des légendes des Ossètes du Caucase, qui ne put être entièrement immergé dans un bac rempli d’un liquide protecteur, et dont un genou dépassa du bac trop petit.

L’illustration représente l’acteur Charlton Heston incarnant Moïse dans le film de Cecil B. DeMille « Les dix commandements » (1956).

Article rédigé par Laurent Bastard, merci